Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/161

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érables, suspendit, entre les branches, des couronnes et des guirlandes de coquillages, éleva une espèce d’autel, qu’elle orna de mousse et de petits cailloux. C’était là comme une seconde édition de la fameuse « grotte féerique ». Elle se promettait, en l’honneur du bienfaisant Corambé, de rendre sur cet autel la liberté à des oiseaux et à des papillons, mais son bran projet s’écroula soudain. Le petit Liset, se glissant un jour derrière la fillette, s’écria, extasié, en voyant le mystérieux autel : « Ah ! mam’zelle, le joli reposoir de la Fête-Dieu !… » Aurore se dégoûta immédiatement du petit édifice sacré, comme s’il fût profané par les paroles de Liset ; l’autel fut déserté, le culte de Corambé ne revêtit plus, dès lors, que la forme d’une rêverie abstraite.

Mais parfois notre petite improvisatrice semblait oublier Corambé pour de bon et prenait plaisir à s’amuser et à folâtrer avec les petits villageois, parmi lesquels elle comptait beaucoup d’amis. Marie et Solange étaient les premiers, le porcher Plaisir venait à leur suite. À cette époque, plus que jamais peut-être, Aurore partagea la vie des simples campagnards, et c’est ici, pour nous, le moment d’arrêter l’attention du lecteur sur la bienfaisante influence qu’exerça sur Aurore Dupin et sur George Sand cette école buissonnière, à laquelle elle consacra la seconde moitié de son enfance, la plus grande partie de sa jeunesse et plusieurs années de sa vie de mariage. Toujours en bonne santé et d’une robustesse vraiment campagnarde (pendant son mariage, elle eut cependant presque toujours à se plaindre de divers maux et ne fit que se soigner, allant souvent aux eaux), Mme  Dudevant pouvait écrire treize heures par jour, veiller des nuits entières, faire, dans les montagnes, les ascensions les plus difficiles, marcher toute une journée, franchissant à pied des kilomètres dans