Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/164

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les observer et vérifier ses impressions d’enfance. Deschartres, qui administrait les biens de Nohant en qualité de gérant, se faisait un devoir d’initier peu à peu la jeune propriétaire à tous les détails de l’administration du domaine, et, dans ce but, l’emmenait avec lui dans ses tournées de régisseur. Dans son Histoire, George Sand tâche de souligner les sympathies démocratiques qui s’éveillèrent en elle à cette époque, c’est-à-dire ses idées d’égalité sociale et son aversion pour l’injuste partage des biens. C’est ainsi que dans le chapitre ix du tome III de l’Histoire de ma Vie, elle nous raconte ses révoltes contre les punitions infligées par Deschartres aux paysans pour leurs dégâts ou la coupe illégale de bois. Elle tâchait, disait-elle, tantôt d’indemniser, en cachette, ceux qui devaient payer une amende, tantôt de faire lever les punitions, en demandant de l’argent à sa grand mère, ou en envoyant, à l’insu de Deschartres, des bottes de loin ou des gerbes de blé aux malheureux indigents condamnés pour avoir glané quelques épis dans les champs ou avoir pris une poignée de foin dans les prés de sa grand’mère. Nous trouvons chez elle, à la suite de ces récits, une théorie d’égalité évangélico-socialiste, qu’elle aurait, si nous voulions l’en croire, opposée aux enseignements pratiques du régisseur et aux tentatives par lesquelles il essayait d’inspirer à sa pupille un certain respect pour le bien qui lui appartiendrait un jour. Aurore Dupin, il serait injuste d’en douter, fut douée, dès l’enfance, de cette bonté active qui resta toujours l’un des traits dominants de George Sand ; dès l’âge où elle commença à comprendre, elle eut sans cesse à cœur d’être secourable, soit de fait, soit d’intention. Il est également hors de doute que bien souvent, Lorsque Deschartres emmenait son élève dans les