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l’oreille musicale et retenait aisément les faciles mélodies des opérettes d’alors, dans le genre d’Aucassin et Nicolette, etc. Le matin, les enfants s’en allaient à la messe, le soir au théâtre, et les intervalles entre les visites au temple de Dieu et celui de l’art se passaient le plus joyeusement possible en jeux et en divertissements bruyants. Les enfants, transportent facilement dans leurs jeux tout ce qui frappe leur imagination, et nos petits amis mettaient tour à tour en scène la messe et les processions, l’opérette et le mélodrame, chantaient à pleins poumons des cantiques et des psaumes, ou des récitatifs et des airs d’opéra. Les châles et les jupes brodées des mamans jouaient, tantôt le rôle de manteaux de chevaliers ou de toges romaines, et tantôt celui de surplis.

En rentrant à Nohant après des journées si bien remplies, Aurore se montrait moins assidue que jamais à ses leçons, et la grand’mère qui avait introduit elle-même sa petite-fille dans ces familles hospitalières, et qui était contente de la voir s’amuser, était alors de plus en plus obligée de la gronder pour son inapplication, sa distraction, sa négligence à apprendre ses leçons et les changements continuels de son humeur. Nature calme, toujours pondérée, toujours maîtresse d’elle-même dès l’âge le plus tendre, la grand’mère perdait complètement la tête devant le caractère étrange de sa petite-fille. Ces bizarres changements d’humeur, ce passage perpétuel d’une gaieté folle à l’apathie et à un morne silence inquiétaient et peinaient la bonne dame. Ces changements lui rappelaient bien un peu l’enfance et la jeunesse de son fils Maurice, mais ils l’effrayaient davantage chez la jeune fille et elle faisait tout son possible pour y mettre fin.

Or, un jour, que la vieille dame venait d’adresser une