Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/235

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l’indigne propos du matin s’est réuni à ce nouveau motif d’indignation.

« Pour la première fois de ma vie, j’ai éprouvé de la colère, car ce que j’ai senti en cet instant ne ressemble en rien à ce que j’ai jamais éprouvé, je me suis tenue à quatre pour ne répondre que ces mots avec un mépris concentré : « Vous voulez bien me garder auprès de vous ! Quand vous l’ai-je demandé ? Ne m’avez-vous pas forcée ! » M. Deschartres et ses maréchaux[1] ont mis des holà !

« Ma mère est restée muette comme un terme et pâle comme la mort, de rage, et de confusion. La tante a eu une espèce d’étourdissement très intéressant, et le Maréchal était tout tremblant. Le pauvre Deschartres se tenait à quatre pour ne pas pleurer tout haut, mais pour moi, le sang-froid du mépris est venu à mon secours.

« Ma mère a été sans rancune apparente et s’est rendue. Elle m’a fait grâce des affreux baisers, mais elle m’a lancé des coups de pattes aigres comme verjus, ou pour mieux dire comme elle, pendant le dîner. Dans le jour, nous avons été faire nos visites d’adieu à la Châtre, les deux sœurs ensemble par une rue, mes femmes et moi par l’autre. À peine rentrées, le Maréchal a commencé ses assommantes histoires. Pour moi, je me suis endormie sur ma chaise du plus profond sommeil et je ne me suis réveillée qu’au bout de quelques heures, au dénouement. Les ma mère, ma bonne, mon lapin, vont toujours leur train. Tonton Deschartres perd la tête, le pauvre homme en radote. J’ai reçu de nouvelles propositions d’insurrection dans mon village. Ceci a fait un peu diversion à mon chagrin.

  1. C’est à dire M. Maréchal et sa femme, la tante d’Aurore.