Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/267

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recommencèrent de plus belle du matin au soir. On alla jusqu’à inventer des jeux auxquels des enfants comme Maurice, marchant à quatre pattes, pouvaient même prendre part. Et Casimir qui venait de partir de Nohant tout préoccupé de l’abattement d’Aurore, de sa mélancolie sans raison, de ses pleurs perpétuels, était à présent frappé de ses incartades enfantines, de son rire continuel, de la préférence qu’elle donnait aux courses des enfants et des adolescents sur les conversations avec les grands (elle avait une prédilection toute particulière pour Loïsa Puget, la musicienne bien connue, qui n’avait alors que douze ans, et pour Félicie Saint-Agnan, jeune fille de quatorze ans). Dans sa lettre déjà mentionnée, du 8 novembre à Caron, elle écrit : « Je meurs toujours de peur d’être obligée de causer ou de me coucher tard. Vous savez que mon suprême bonheur est de manger beaucoup, de beaucoup dormir, et ne rien dire, si ce n’est à de bons amis tels que vous. » Casimir ne comprenait plus sa femme, et, ne la comprenant pas, il arriva ce qui arrive très souvent : il se crut en droit de se comporter avec mépris envers elle. Les personnes étrangères qui étaient là et quelques-uns des amis s’étonnèrent aussi en voyant Aurore reprendre, après une période de méditations et de contemplations, une existence toute de joie et de gaieté.

« Grâce à ces contrastes, certaines gens prirent de moi l’opinion que j’étais tout à fait bizarre. Mon mari, plus indulgent, me jugea idiote. Il n’avait peut-être pas tort, et peu à peu il arriva, avec le temps, à me faire tellement sentir la supériorité de sa raison et de son intelligence, que j’en fus longtemps écrasée et comme hébétée devant le monde. Je ne m’en plaignis pas. Deschartres m’avait habituée à ne pas contredire violemment l’infaillibilité d’autrui,