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deur d’âme d’Aurore, et essais de parler sa langue ou du moins de l’imiter, jusqu’à des descriptions poétiques de la nature ! Dudevant y raconte, par exemple, que tout à coup il lui était venu à Nohant l’ardent désir de s’instruire, et qu’il s’était mis à lire Pascal dans un exemplaire qui appartenait à Aurore, qu’il avait aussi commencé à apprendre l’anglais, qu’il prenait même son livre au lit en se couchant, tâchant par là d’adoucir sa solitude. Il y exprime aussi son amour passionné pour sa femme, sa crainte de la perdre (disons plutôt de perdre sa fortune), la tristesse et la joie qui l’envahirent après la Lecture de la lettre de sa femme ; il fait preuve de noblesse de cœur et même de grandeur d’âme dans la manière dont il avait reçu sa confidence sur tout ce qui s’était passé. Bref, ou bien l’aveu fait par Aurore de son amour pour Aurélien avait réellement agité Dudevant et réveillé cette âme comme engourdie dans les ténèbres, ou bien ce n’était là qu’une ruse, une manœuvre diplomatique de sa part. Nous sommes portés à admettre cette dernière supposition, grâce à deux lettres écrites par Châtiron à sa sœur, dont nous avons la copie entre nos mains. À la première de ces deux lettres, toute remplie de grossières invectives de la part de Châtiron, à la suite des plaintes qu’il avait reçues de Casimir, Aurore répondit par une lettre[1] fort sévère, où elle réfute, d’un ton ferme et sérieux, les diverses accusations portées contre elle par son frère au nom de son mari. Dans une seconde lettre, datée du 10 décembre 1825, Châtiron s’excuse après avoir reçu la réponse de sa sœur. De tout cela, il est permis de conclure que Dudevant, après son arrivée à Nohant, s’était plaint d’Aurore à Hippolyte, qu’il

  1. Inédite.