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du monde d’être plus retenu dans ses paroles. Casimir, lui-même poussa si loin son cynisme que le lendemain de la naissance de Solange, lorsque Aurore était encore au lit, elle entendit, dans la chambre voisine, une conversation de son mari qui ne laissait planer aucun doute sur ses rapports avec son interlocutrice. C’était, dans le sens littéral du mot, « une conversation criminelle ». Aurore fut offensée jusqu’au plus profond de son cœur en voyant que l’homme à qui elle avait sacrifié, pour lui rester fidèle, un attachement vrai et profond, la récompensait en ne reculant même pas devant la dépravation la plus basse, la plus révoltante, et cela où ? Sous le toit de la maison qui abritait sa femme et ses enfants !

On comprend qu’à partir de ce jour, toute intimité conjugale disparut de la vie des Dudevant[1]. Mais, par amour pour ses enfants, Aurore résolut de tout supporter avec patience, de s’enfermer dans son attachement pour eux et de leur garder l’illusion d’une vie de famille, sans leur laisser voir qu’entre elle et leur père, tout lien moral était rompu. « Refoulant en elle la vie débordante, elle souffrait, mais luttait vaillamment contre la souffrance, en appelant à son aide les livres, les courses à cheval et surtout le grand livre de la nature pour lequel George Sand semble avoir reçu une facilité toute particulière d’intuition large et pénétrante[2]… »

Aurore lut beaucoup, pendant toutes ces années, entre autres, plusieurs ouvrages historiques, car elle faisait venir de Paris, par ses amis, tout ce qui s’y publiait de nou-

  1. Dans une lettre inédite, très intime, adressée à Caron le 4 décembre 1828, Aurore annonce à son vieil ami que toute intimité entre elle et Casimir a cessé.
  2. Louis de Loménie : « Galerie des Contemporains illustres. »