Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/320

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commença ensuite, par l’entremise de Mme  Saint-Aignan, à les vendre à des personnes étrangères. Enfin, dans un de ses voyages à Paris, elle régla avec Giroux, qu’il les exposerait en vente dans son magasin. Elle se convainquit bientôt que la vente de ces objets couvrait à peine le prix d’achat, que leur mode commençait à passer, et qu’elle n’avait pas non plus à compter là-dessus pour vivre. Un instinct encore vague la poussait d’ailleurs d’un autre côté. Elle sentait peut-être, — et peut-être moins à son insu que ne l’assure l’Histoire de ma vie, — qu’elle était née artiste. Dès son enfance, elle avait essayé d’écrire ; elle créa son Corambé ; au couvent, elle avait écrit tout un roman et s’était essayée à faire une pièce de théâtre ; à sa sortie du cloître, lors de son amitié avec René de Villeneuve, nous le savons, elle n’avait pas abandonné cette occupation. En 1827, elle avait envoyé à Zoé Leroy son Voyage en Auvergne. En 1829, elle reprit la plume et écrivit encore un roman, La Marraine, qu’elle envoya entre le 19 novembre et le 22 décembre de la même année à Jane Bazouin qui avait épousé en 1828 le comte de Fenoyl et, ne pouvant quitter sa chambre pour cause de maladie, avait prié son amie de lui envoyer un volume écrit de sa main pour la distraire. Jane trouva la préface (qui contenait l’Histoire du grillon[1]) et le début du roman très intéressants et en réclamait la suite ; mais l’important, c’est qu’Aurore s’aperçut elle-même qu’elle savait écrire, et mieux que cela, que son roman n’était nullement inférieur à ceux grâce auxquels leurs auteurs, bien ou mal, gagnent de l’argent… « Je reconnus que j’écrivais vite, facilement, longtemps, sans fatigue, que mes idées engourdies dans

  1. Voir plus loin, p. 302.