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restrictif à l’égard des joies ou des plaisirs qu’il pouvait rencontrer ailleurs, je sentis que je devenais pour lui une chaîne terrible, ou que je n’étais plus qu’un amusement d’esprit. Je penchai trop modestement vers cette dernière opinion, et j’ai su plus tard que je m’étais trompée. Je ne m’en suis que davantage applaudie d’avoir mis fin à la contrainte de son cœur et à l’empêchement de sa destinée. Je l’aimai longtemps dans le silence et l’abattement. Puis je pensai à lui avec calme, avec reconnaissance et je n’y pense jamais qu’avec une amitié sérieuse et une estime fondée ».[1]

Il est plausible de supposer que c’est le désir de se convaincre de la justesse de ses soupçons, qui fit partir Aurore de Périgueux à la fin de l’automne de 1829 pour se rendre à Bordeaux. Dans une lettre à Jules Boucoiran, qui fut le confident de toutes ses peines de cœur pendant la période de 1829 à 1835, Aurore écrit le 8 décembre de Périgueux : « Ma santé est assez bonne, je sais, du reste, en humeur de chanter le Nunc dimittis. Vous ne savez pas, hérétique, ce que cela signifie. Je vous le dirai… » D’autre part, par la lettre inédite qu’elle écrivit de Bordeaux à son mari le 1er  décembre 1829, on voit qu’elle tâchait d’effacer en lui les impressions tragiques d’une lettre précédente, dans laquelle eue lui disait son désir de mourir. Une explication définitive eut-elle lieu entre les deux jeunes gens ? c’est ce qu’il serait difficile d’assurer. George Sand prétend que non[2]. Il n’y eut ni explications

  1. Histoire de ma Vie, t. IV, p. 58.
  2. Des lettres inédites à son mari, datées d’avril et de mai 1830, nous apprennent que l’année suivante encore, Aurore vit Aurélien à Bordeaux où elle était allée en grand secret, de Paris, avec Zoé. Elle lui raconte qu’elle l’a trouvé « vieilli et enlaidi ». Le 12 août 1830, elle reçut encore de son ami une lettre à Nohant. Leur correspondance semble avoir pris fin après qu’Aurore eut quitté le toit conjugal, ce dont le correct magistrat fut sans doute choqué et qu’il dut désapprouver.