Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/345

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encore quelques autres amies mondaines et irréprochablement morales, puis, ces visites finies, elle brûla ses vaisseaux, et devint définitivement « gamin » et « apprenti littéraire ». Alors commencèrent pour elle les Lehr und Wanderjahre — « Années de voyages et d’apprentissage. »

La situation matérielle d’Aurore était bien pénible. La somme consentie par son mari était trop minime et Mme Dudevant dut économiser sur toutes choses, nourriture, vêtements, billets de théâtre trop coûteux, livres nouveaux. Elle voulait cependant ne pas rester en arrière de ses camarades et prendre sa part de leurs plaisirs. Dans ses courses à travers Paris, par tous les temps, à chaque heure du jour et de la nuit, les belles robes et les fines chaussures s’abîmaient ; elles l’empêchaient en outre d’aller partout sans attirer l’attention et sans scandaliser ceux qui la voyaient. N’oublions pas qu’à cette époque, les dames n’occupaient jamais aux théâtres que les places de loges et de balcon et ne sortaient pas seules le soir. En ces années, où l’on se serait récrié d’horreur à la vue d’une bicycliste contemporaine ou d’une femme portant un petit chapeau d’homme et un de ces costumes tailleurs mi-masculins avec gilet et cravate, si reçus de nos jours, les dames recouraient dans les circonstances les plus diverses au costume masculin, et Byron n’a rien inventé d’invraisemblable en obligeant ses amoureuses à se travestir en hommes pour accompagner ainsi leurs amants dans leurs voyages à travers le monde. Lorsque Lamartine rencontra à Rome le chanteur David avec sa fille Camille, celle-ci, pour plus de commodité, accompagnait son père, habillée en garçon. La mère et la tante d’Aurore Dudevant, dans leur jeunesse, faute d’avoir assez