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l’empêchant d’épouser un excellent homme de très bonne famille, parce que ni lui, ni les siens ne conviennent nullement à sa bouillante nature artistique. Presqu’au moment de signer le contrat, Carlos arrache Laurence à l’homme aimé, il l’enlève à l’eau tranquille et stagnante, pour l’entraîner de nouveau vers la mer houleuse de la vie artistique où l’art seul est but, moyen, récompense, souverain bonheur. Le ton quelque peu emphatique du récit lui nuit un peu, mais ce ton est presque naturel dans la bouche d’un « artiste » qui a la parole ardente, plastique, presque exubérante. Le héros s’appelle Aurélien… de Nancé ; il se console bien vite de la perte de la femme aimée, se marie, entre dans l’arène politique dans l’espoir de devenir avec le temps pair de France ou ministre. Tout en lui, dans sa vie, dans sa famille, est correct, d’accord avec les règles de la morale et du bon ton, tout est noble, mais frise la froideur et… évoque quelques vagues souvenirs personnels de l’auteur.

C’est ainsi que George Sand se laisse aller, dès ses premiers pas dans la carrière littéraire, à décrier la vie bourgeoisement vertueuse, intolérable, funeste à chaque talent, et manifeste une sympathie spéciale et un vif intérêt pour les « artistes » dans le sens précis du mot. Une des héroïnes de Rose et Blanche est encore une actrice, comme nous l’avons vu, et le roman lui-même porte comme sous-titre : « La comédienne et la religieuse ».

Dans la Marquise, ce n’est pas l’héroïne, mais le héros qui appartient au monde théâtral. Cette charmante et triste nouvelle, écrite dans les tons tendres d’un pastel de Latour, atteste à quel point l’auteur possédait la connaissance approfondie du grand monde brillant de la fin du xviiie siècle. C’est l’histoire d’une certaine marquise, qui, n’ayant jamais