Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans une vallée idyllique de l’île, toute noyée dans la verdure. Cette fin ne l’ail que nuire au roman, péchant trop déjà par des exagérations romantiques, des longueurs et des tirades. Et pourtant, ces pages brûlantes de passion, ces belles descriptions, ces fines analyses psychologiques, ces observations prises sur le vif, nous enchantent quand même. Il y a là des passages et des scènes qui se gravent pour toujours dans la mémoire. Telle est, par exemple, cette obscure soirée d’automne au château des Delmare : le colonel, sombre et farouche, arpente la chambre ; la fluette et jolie Indiana (nous allions dire, Aurore), assise devant la cheminée, de ses tristes yeux noirs contemple rêveusement le feu. L’ami fidèle, Ralph, silencieux et correct, les examine tous les deux à la dérobée. L’oppression, le morne chagrin, la révolte secrète, mais implacable d’une âme insondable de femme, tout cela semble flotter dans l’air et pénétrer le lecteur, Tel aussi ce commencement du premier chapitre de la seconde partie (dans la première édition, et qui n’a plus été inséré, on ne sait pas trop pourquoi, dans les suivantes), si parfaitement pessimiste et d’une si fine analyse psychologique. Remarquons que George Sand, tout en écrivant très vite, presque sans rature, ni corrections, — ce dont tous les critiques l’ont louée à satiété, — aimait à changer et à refaire ses ouvrages, soit pour leur apparition en volumes, soit pour les éditions suivantes, et presque toujours à leur désavantage. À parler franchement, nous préférons les premières versions aux autres. En changeant ou en ajoutant, elle gâtait toujours son premier texte. C’est ainsi qu’elle a gâté Indiana en supprimant beaucoup d’expressions, frappantes de précision et de justesse, et même des pages entières. C’est encore ainsi qu’elle a gâté Lélia en changeant com-