Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/421

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méprises, et l’avenir lui réserve-t-il cette grande passion toute puissante ?… » Joignez à tout cela les guet-apens d’un tempérament hérité des aïeux et la soif du bonheur, qui venait de se réveiller !… Et cette infatigable chercheuse d’idéal, cette romancière dont le premier roman avait été trouvé par de Latouche, trop vertueux et, par cela même, trop peu conforme à la réalité, risquant de mériter, de la part des lecteurs, l’épithète « d’invraisemblable », la rêveuse qui avait, pendant six ans, aimé son ami lointain d’un amour presque mystique, la compagne de Jules Sandeau, pénétrée des idées les plus pures et les plus honnêtes sur l’amour et la fidélité, elle ne cherche maintenant que l’oubli, elle se laisse emporter par La soif des sensations, des plaisirs. Son entourage, les exemples qu’elle voyait autour d’elle, tout la poussait dans cette dangereuse et sombre voie.

Vers cette époque, elle fit, dans des circonstances assez extraordinaires, la connaissance de Marie Dorval, célèbre actrice tragique et très amie de Sandeau (plus tard sa maîtresse) : « J’avais publié seulement Indiana, je crois, quand, poussée vers Mme  Dorval par une sympathie profonde, je lui écrivis pour lui demander de me recevoir. Je n’étais nullement célèbre et je ne sais même si elle avait entendu parler de mon livre. Mais ma lettre la frappa par sa sincérité. Le jour même où elle l’avait reçue, comme je parlais de cette lettre à Jules Sandeau, la porte de ma mansarde s’ouvre brusquement, et une femme vient me sauter au cou avec effusion, en criant tout essoufflée : « Me voilà, moi ! » Je ne l’avais jamais vue que sur les planches, mais sa voix était si bien dans mes oreilles que je n’hésitai pas à la reconnaître. Elle était mieux que jolie, elle était charmante ; et cependant elle était jolie, mais si char-