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mes bons amis, quel est celui d’entre vous qui ne m’a pas trahie ? Elle ne m’a encore trahie qu’une fois et vous, vous m’avez trahie tous les jours de votre vie. Elle a répété un mot que je lui avais dit. Vous m’avez tous fait répéter des mots que je n’avais pas dits (1833) ».

On voit que Marie Dorval l’avait bien « trahie », mais George Sand ne lui avait réellement pas gardé rancune, comme on le voit par cet ajouté, écrit en 1847, lorsque George Sand avait relu et annoté tout son journal intime :

« … Maladie de foie, mais Elle, elle est toujours la même, et je l’aime toujours. C’est une âme admirablement belle, généreuse et tendre, une intelligence d’élite, avec une vie pleine d’égarement et de misères. Je t’en aime et t’en respecte d’autant plus, ô Marie Dorval ! »

Revenons à la lettre à Sainte-Beuve : « Si Prosper Mérimée m’avait comprise, il m’eût peut-être aimée, et s’il m’eût aimée, il m’eût soumise, et si j’avais pu me soumettre à un homme, je serais sauvée, car une liberté me ronge et me tue. Mais il ne me connut pas assez, et au lieu de lui en donner le temps, je me décourageai tout de suite et je rejetai la seule condition qui pût l’attirer à moi[1].

« Après cette ânerie, je fus plus consternée que jamais et vous m’avez vue en humeur de suicide très réelle… »

Cette liaison passagère ne laissa aucun souvenir profond ni chez George Sand, ni chez Mérimée. Bien des années après, ils se rencontrèrent dans les circonstances suivantes.

  1. Beaucoup de personnes ont cru voir dans l’œuvre de Mérimée La double méprise (parue en 1833) l’écho de cet épisode tragi-comique. L’histoire de la malheureuse Julie de Chaverny et du sceptique Darcy ne rappelle l’amour éphémère de Mme  Sand et de Mérimée qu’en ce que tous deux « se méprirent » sur le compte l’un de l’autre et que l’un croyait l’autre inférieur à ce qu’il était en réalité. En tout cas, Mérimée dépeint son héroïne sous un aspect très sympathique.