hâlés par le soleil, sont à l’ancre et ne peuvent plus risquer sur les mers leur chaloupe avariée. Ils n’ont pas de quoi vivre à terre, et, d’ailleurs, la terre les ennuie. Ils ont eu jadis une belle vie, des aventures, des combats, des amours, des richesses. Ils voudraient recommencer, mais le navire est démâté, la cargaison perdue, il faut échouer sur le sable et rester là. Tu comprends, au fond de cette belle poésie, l’état maussade de mon cerveau ? Suis-je plus à plaindre qu’auparavant ? Peut-être ; le calme qui vient de l’impuissance est une plate chose. Pour toi, c’est différent… »
Et dans le cahier des Sketches and Hints, elle écrit à cette même époque :
« Il n’est pas dit qu’on pourra jouir impunément des fruits amers de l’expérience. Il faut s’en nourrir en secret et ne pas dire aux hommes tout ce qu’on sait d’eux, car ils vous lapideraient pour se venger de ne pouvoir plus vous tromper.
Et pourtant ceux-là qui vous accuseraient de méconnaître la confiance et de résister à l’amitié, ceux-là qui feignent de croire en vous afin de vous ôter le droit de douter d’eux, ceux-là, dis-je, sont souvent plus sceptiques que vous. Ils parlent d’affection et de persévérance, eux qui ne sont plus capables que d’égoïsme. Les hypocrites !
Soyez prudent, cependant, acceptez leurs protestations, feignez d’y prendre confiance, ou bien ils vous flétriront de leurs calomnies et vous montreront au doigt comme un lépreux. Les hommes ne veulent pas qu’on les dévoile et qu’on les fasse rire du masque qu’ils portent. — Si vous n’êtes plus capable d’aimer, mentez ou serrez si bien autour de vous les plis du voile, qu’aucun regard ne puisse lire au travers. Faites pour votre cœur comme les vieillards libertins font pour leur corps. Cachez sous le fard et le mensonge, dissi-