Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/146

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d’Italie ne s’est jamais cicatrisée », et que, « le souvenir de George Sand n’a jamais cessé de le poursuivre ». Il est plus qu’étrange de parler de la blessure non cicatrisée d’un homme qui, en ce même temps, était tantôt heureux, tantôt malheureux avec d’autres femmes, avec beaucoup d’autres, qui a eu tant d’autres douleurs et tant d’autres bonheurs ! On comprend qu’une nature d’élite comme celle de Musset, une âme aussi profondément sensible ne pût oublier ses souffrances passées ; car, comme l’a dit un autre poète, Lermontow, dont la nature était si proche de celle de Musset, « les joies s’oublient, les chagrins jamais »…, ou, comme le même Lermontow l’a dit ailleurs : « Il n’y a pas au monde d’homme sur qui le passé ait eu autant de pouvoir que sur moi. Le moindre souvenir d’un chagrin ou d’une joie passés frappe maladivement mon âme et y fait surgir toujours les mêmes sons… je suis bêtement fait : je n’oublie rien… rien !… » Musset, non plus, n’a oublié ni ses chagrins, ni ses erreurs passées.

Lindau a tort de croire que c’est de Musset seulement que l’on peut dire : « Un poète ne peut abdiquer son individualité, surtout un talent lyrique aussi sincère que Musset », conséquemment que ses souffrances se font voir dans sa poésie « spontanément » et « tout naturellement », et que George Sand avait dû avoir « un but », en écrivant les Lettres d’un voyageur. De même que chez Musset la Confession d’un enfant du siècle est comme l’épilogue épique de toutes ses poésies lyriques se rapportant à George Sand, — de même les Lettres d’un voyageur de George Sand sont comme le prologue lyrique de Elle et lui. Nous parlons, cela va sans dire, non de toutes les Lettres d’un voyageur qui forment tout un volume, et au nombre desquelles se trouvent des pages de philosophie, de polémique,