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ses égarements, George Sand sut, comme la petite abeille, — laissant le poison dans les calices de beaucoup de ces fleurs du mal, — faire une grande provision de choses belles et précieuses.

La liaison avec Musset exerça, comme nous l’avons vu, une influence directe sur ses écrits. Le contact de cette nature finement artistique détermina surtout chez la romancière la tendance à une plus grande pureté de goût littéraire et à une certaine critique de soi-même.

L’action de Sainte-Beuve fut beaucoup plus profonde et ne se borna pas à la seule littérature. Dans une lettre écrite à Sainte-Beuve, le 27 janvier 1845, George Sand dit que malgré la divergence de leurs opinions, et quoiqu’elle n’aimât pas ses amis, à lui, il lui serait toujours cher comme témoin de ses souffrances et de ses chagrins passés (elle fait ici allusion au rôle de confident que celui-ci avait joué durant son intimité avec Musset). Mais dans l’Histoire de ma Vie, elle appelle déjà ce même Sainte-Beuve « un de ses éducateurs et bienfaiteurs intellectuels[1] », et sur

l’exemplaire qu’elle lui offrit de son roman Monsieur Sylvestre, elle écrivit : « À mon ami Sainte-Beuve, chère et précieuse lumière dans ma vie[2]. » Et, en effet, le rôle que joua Sainte-Beuve dans la vie de la grande romancière, ainsi que nous l’avons déjà montré, commença bien avant et finit bien après son roman avec Musset, et ce rôle fut bien plus important que celui d’un confident bienveillant d’aveux et de lamentations amoureuses. Les conseils de Sainte-Beuve, ses reproches, ses encouragements et son

  1. Histoire de ma vie, vol. IV, p. 207.
  2. Voir Étude sur les dédicaces et les ex-dono, par M. Alexis Martin (Baur, 1877, in-8o), ainsi que l’article Quelques dédicaces inconnues dans le Livre moderne, t. I, p. 15.