Aller au contenu

Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Delacroix, Urhan et Baillot[1], qui ne pensent pas à leur propre gloire, mais à leur art ; chacun d’eux est toujours prêt à s’effacer devant celui qu’il regarde comme son idéal. Les hommes politiques ne sont pas capables de cela ; tous ils sont pleins d’ambition, du désir de primer, d’éclipser les autres. Il y a bien peu d’hommes politiques qui « ont aimé la justice et l’humanité en artistes. C’est le plus bel éloge qu’on puisse leur donner. »

Ainsi Michel n’a pas convaincu (ce qui est fort heureux) son interlocutrice en parlant du danger des arts. Il semblerait même qu’il ne l’a pas non plus convaincue de la justesse de ses théories, et dans la dernière partie de sa lettre du 29 avril, le « Voyageur » en vient à demander à Michel et à ses partisans : « Mais si vous n’étiez que des fanatiques ? » et tâche de trouver la justification de ce qu’elle avance en disant que le fanatisme qui forcerait Michel à envoyer, sans aucun regret, son petit ami George à l’échafaud, « serait beau, et je te donnerais ma tête de bon cœur, pour le plaisir d’avoir vu dans ma vie un seul vrai Romain ». Elle ajoute :

« … Bah ! c’est toujours cela : n’est pas fanatique qui veut, surtout par le temps qui court, et je serais un peu plus fier de moi que je n’ai sujet de l’être, si j’étais seulement un peu fou à votre manière… »

Mais il semble que le « fanatisme » et la « folie » de Michel avaient pourtant fort intimidé George Sand, et pour cause ! Michel employait quelquefois des arguments assez originaux pour faire partager ses idées, et s’il n’a pas condamné George Sand à la guillotine, il la condamna du moins, pour ainsi dire, à la prison cellulaire. Ainsi,

  1. Célèbre violoniste et violoncelliste non moins célèbre de l’époque.