Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/382

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entre elles ? Les voiles de la comtesse mettaient George Sand hors d’elle-même et la menaient au cynisme ; le cynisme de George Sand portait la comtesse à l’hypocrisie, et comme la vue de cette enfant de la nature agaçait la grande dame, le cothurne de celle-ci ne pouvait qu’irriter l’enfant de la nature. Il y eut entre elles beaucoup de froissements, et quoique la seule cause en fût le contraste entre la nature toute nue de l’une et le fard de l’autre, Liszt eut bien des choses à aplanir et des réconciliations à amener. Lorsque arriva le moment de se séparer, les adieux se firent cependant en assez bonne entente. Ces relations moins bonnes qui finirent par amener une rupture définitive entre les deux femmes, ne restèrent point sans influence sur l’amitié de Liszt avec George Sand. À partir de ce moment leurs rapports cessèrent pour ainsi dire. Quoique Liszt dût, au fond de son âme, attribuer tous les torts à la comtesse, cependant lorsqu’il revenait à Paris, il se tenait, par délicatesse, éloigné de la romancière et lorsque, dans la suite, il ne se sentit plus astreint à tant de prudence, il ne put cependant se résoudre à aller la voir : « Je ne voulais pas « m’exposer à ses sottises, » disait-il dans la suite, et en effet Liszt ne retourna jamais à Nohant… » Nous verrons bientôt que les dernières assertions de Mme Ramann sont inexactes, mais, pour le moment, nous poursuivrons notre récit.

Liszt quitta Nohant avec la comtesse vers la fin de juillet et partit avec elle pour l’Italie. Les deux femmes se quittèrent avec la promesse de s’écrire comme par le passé, et celle de se retrouver un jour de nouveau ensemble, n’importe où, mais, en réalité, on était bien changé des deux côtés. Ni la comtesse d’Agoult, ni George Sand ne croyaient pas trop en leurs propres promesses ; elles avaient l’une pour l’autre des yeux de critique, et les illusions d’autrefois avaient