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Notre vieil ami Méphistophélès se mêle de l’affaire. Il veut se rendre maître de la lyre, afin de perdre l’esprit de la lyre, qui ne doit être délivré que par l’amour sublime d’une vierge. Pour atteindre son but, Méphistophélès essaie d’abord de briser la lyre. Sous la figure du juif Jonathas Taer, l’un des créanciers de feu Meinbacker, il amène chez Albertus toute une foule d’acheteurs : un poète, un compositeur, un peintre et un critique. La force mystérieuse de la lyre leur fait à l’un après l’autre, perdre la tête, leur inspire la manie des grandeurs, leur fait dévoiler toute la bassesse de leurs âmes jalouses et mesquines ; et c’est alors que soit en raisonnements calmes, soit en divagations absurdes, ils dévoilent et montrent à nu leurs véritables caractères. Ils n’entendent rien à ce qui sort de la sphère de leurs étroites spécialités et comprennent même fort peu cette seule spécialité. Chacun de ces gens du métier se figure être un génie, et ne reconnaît dans les autres que de médiocres artistes.

Les projets de Méphistophélès échouent ; la lyre reste intacte. Alors il met en jeu Albertus lui-même. Il lui suscite d’un côté la soif de tout connaître, de tout comprendre, comme celle qui torturait Faust, et de l’autre, il éveille dans son cœur un violent amour pour Hélène. Poursuivant toujours son but, Méphistophélès suggère à Albertus l’idée de briser l’une après l’autre les cordes de la lyre, car, entre temps, voici ce qui était arrivé : Hélène ayant réussi à s’emparer de la lyre, était tombée en extase ; même par son extérieur, elle ressemblait à une prophétesse, on eût dit un être surhumain. C’est avec sa chevelure surtout que se passaient des choses absolument surnaturelles.

Hanz. — « Voyez, maître, ceci tient du prodige, les rubans de sa coiffure se brisent et tombent à ses pieds. » (Pour