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se rendre à son invitation : à cette époque elle n’était pas encore assez intimement liée avec lui et, par modestie, elle se croyait trop insignifiante pour venir troubler, soit ses occupations, soit son repos. Elle considérait son invitation comme un honneur non mérité, comme un sacrifice que se serait imposé Lamennais, sacrifice qu’elle n’était pas en droit d’accepter.

Dans le courant de la seconde moitié de 1835 et en 1836, préoccupée par son procès avec son mari, par sa lutte intellectuelle et ses relations avec Michel, partageant son temps entre son voyage en Suisse et ses travaux, George Sand continua à voir de temps en temps Lamennais, mais elle le craignait encore un peu, redoutant de trouver en lui un esprit par trop orthodoxe, des idées sentant trop l’ancien curé, un homme ne pouvant pas partager ses opinions extrêmes et sa liberté de pensée à elle.

Mais lorsque George Sand vécut en compagnie de Liszt et de la comtesse d’Agoult en Suisse et à l’Hotel de France, c’est-à-dire pendant l’automne et l’hiver de 1836, elle se lia plus intimement avec Lamennais ; il gagna complètement sa confiance, et elle lui voua dès lors cette admiration exaltée et illimitée dont sont empreintes les pages de l’Histoire de ma Vie consacrées à la mémoire du grand enthousiaste, de même que ses deux Lettres à M. Lerminier parues dans la Revue des Deux-Mondes et ayant pour but de détendre Lamennais contre Lerminier qui avait éreinté le Livre du Peuple, et enfin son article ultérieur sur les Amshaspands et les Darvands de Lamennais.

Ainsi, par exemple, encore au mois de mai de 1836[1] elle écrivait à la comtesse d’Agoult : « L’abbé de La-

  1. Correspondance, vol. I. p. 369.