Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/470

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sans doute jamais. Le cortège de noms amis, qui accompagnera mes compositions, mêle un plaisir aux peines que me cause leur nombre, car elles ne vont point sans douleur, à ne parler que des reproches encourus par ma menaçante fécondité, comme si le monde qui pose devant moi n’était pas plus fécond encore. Ne sera-ce pas beau, George, si quelque jour l’antiquaire des littératures détruites ne retrouve dans ce cortège que de grands noms, de nobles cœurs, de saintes et pures amitiés, et les gloires de ce siècle ? Ne puis-je me montrer plus fier de ce bonheur certain que de succès toujours contestables ? Pour qui vous connaît bien, n’est-ce pas un bonheur que de pouvoir se dire comme je le fais ici :

« Votre ami,
« De Balzac. »

« Paris, juin 1840. »

Ce fut en 1838 aussi que l’abbé Rochet vint encore une fois à Nohant[1]. Les relations entre George Sand et ce curé berrichon ne servirent jamais de pâture aux journaux et l’on n’en a presque pas parlé. Seul Charles de Mazade leur a consacré quelques lignes mystérieuses et malveillantes dans ses Souvenirs. Mais à présent, après la publication d’abord des fragments de cette correspondance des plus curieuses, et puis des lettres mêmes de George Sand à l’abbé Rochet dans la Gironde littéraire, dans les Nouvelles de l’Intermédiaire, et enfin dans la Nouvelle revue de 1895, on peut parler d’une manière plus détaillée, plus précise, de cette amitié intéressante et singulière. L’abbé Georges Rochet, modeste curé de village, eut le malheur de douter un jour de sa vocation, et de se sentir attiré vers la littérature. Le souffle de liberté

  1. Voir plus haut, ch. xi.