Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/471

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qui traversait l’époque et l’exemple de Lamennais y furent certes pour beaucoup. Voilà donc notre abbé tout à ses poésies et à ses livres, et se demandant s’il n’était pas temps de jeter le froc aux orties. Il ne se décida pas pourtant à entrer ouvertement dans la carrière littéraire, craignant de s’attirer prématurément la condamnation du haut clergé, peut-être même l’excommunication. Il doutait aussi de son talent. Il n’était pas non plus convaincu de son droit d’abandonner sa vocation. Qu’entreprend-il alors ? Il s’adresse à sa célèbre compatriote dont la gloire était alors à l’apogée et lui demande conseil. C’était, comme nous l’avons vu, en l’hiver de 1835-1836. Bientôt il fit personnellement la connaissance de George Sand à Nohant, puis il la rencontra par hasard, dans un hôtel à Châteauroux. Il faut admirer et s’incliner devant le tact, la bonté, la prudence et la sagesse dont George Sand fit preuve en cette occurrence. Profondément touchée de la candeur, de la confiance et de la sincérité avec lesquelles l’abbé lui parlait et lui écrivait, elle le prit dès lors en amitié et lui rendit la même sincérité, la même confiance. Mais au lieu d’attiser, d’encourager les rêves de liberté du malheureux homme, d’approuver son intention d’abandonner la soutane, de rompre avec son passé et de se faire écrivassier, elle fit tous ses efforts pour le calmer, pour diriger ses rêves, ses tendances dans la bonne voie, et le réconcilier avec la vie. George Sand voyait d’une part trop clairement que ce n’était pas là un talent hors ligne, qui exigeait et valait qu’on lui sacrifiât toute une vie d’homme ; puis, elle avait dû voir aussi que l’abbé ne ressemblait en rien à Lamennais, cette volonté inébranlable, ce champion inflexible, ce caractère de fer, et que le rôle d’apostat dépassait les forces de