Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/72

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chait pas de courir les aventures. George Sand, qui l’aimait tendrement de son côté, était prête à les lui pardonner. Seulement la sainteté, la pureté du sentiment avait été violée, ce qui l’offensait et la blessait profondément. Le fait même qu’elle eut à pardonner fut, selon nous, et à en juger d’après sa nature, le coup mortel porté à son amour. Il lui fallait adorer l’être aimé, ne trouver en lui aucun défaut, être subjuguée par son charme. C’est alors qu’elle aimait en effet passionnément, de toute son âme, non dans le sens vulgaire de ce mot, mais en ce sens que toutes les forces de son âme, que toutes ses facultés : esprit, volonté, imagination, sentiment, tout appartenait au bien-aimé. Lorsqu’elle commença à pardonner, à « fermer les yeux » sur les défauts et sur le manque d’entente, elle aimait déjà autrement. Peut-être aimait-elle mieux alors, dans le sens chrétien de l’amour, avec cette nuance

    Tantôt il a l’air d’approuver George Sand, tantôt il trouve que c’eût été mieux si elle s’était amusée à souper gaîment et à s’étourdir avec Musset. Ce dernier, selon lui, ne se serait pas alors chagriné et n’eût pas recherché la société des danseuses, n’aurait senti aucun remords de conscience et aurait eu « une complice », etc. Il ressort de ce que Lindau dit ensuite — en ajoutant foi aux paroles de Louise Colet prises dans Lui — qu’il rejette déjà uniquement sur George Sand tous les désaccords et les querelles qui survinrent postérieurement, et dont il attribue principalement la cause à sa manière de traiter maternellement Musset, ce qui donnait au poète des rages blanches et fut le coup de grâce qui le jeta dans les bras des courtisanes. Il est généralement reçu de s’attacher à ce côté maternel de George Sand. Les uns en font l’éloge, d’autres le blâment. Si George Sand, dans sa vieillesse, fût vraiment une mère à l’égard de plusieurs de ses jeunes amis comme Flaubert, Plauchut, Amic, si elle devint maternelle à quarante ans passés, lors des dernières années de sa vie commune avec Chopin, alors malade, il est à présumer que, dans les premières années de sa jeunesse, elle était bien loin d’être maternelle avec ses amants, et en cela il n’y a rien d’étonnant, rien qui mérite la louange ou le blâme. Si plus tard elle s’est imaginé qu’elle l’avait fait, elle s’est trompée elle-même de bonne foi. Dans sa correspondance avec Musset, on ne trouve de son côté rien de maternel, et Musset n’a pas l’air de s’en plaindre. Nous croyons que Mme Colet s’est éloignée ici de la vérité, — ce qui lui est du reste arrivé assez souvent, — et Lindau a tort de répéter les paroles des autres.