Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/182

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par le caprice féminin, ils ne parvinrent que rarement dans de bonnes mains, celles qui applaudissent. Il n’était pas même question d’une claque organisée, son chef habituel avait bien offert ses services, mais trouva sourde oreille chez le fier auteur de Lélia. Les soi-disant Romains qui ont l’habitude de si bravement applaudir au milieu du parterre, sous le grand lustre, lorsqu’on donne une pièce de Scribe ou d’Ancelot, n’étaient pas visibles hier. Les applaudissements qui se firent souvent entendre quand même, et assez longuement, firent d’autant plus d’honneur. Pendant le cinquième acte, on put ouïr quelques sons hostiles, et pourtant cet acte contient plus de beautés poétiques et dramatiques que les précédents, dans lesquels la tendance à éviter tout ce qui pourrait choquer tourne au timoré fort déplaisant…

Ne s’expliquant point définitivement sur les défauts ou les qualités du drame, Heine ajoute encore que tous les acteurs, sauf Mme Dorval, furent très médiocres. Il assure que l’auteur lui avait dit un jour que quoique effectivement tous ses compatriotes fussent acteurs de naissance, c’étaient les plus mal doués qui entraient au théâtre. Heine terminait cette première Lettre en déclarant que personnellement il ne partageait point toutes les idées de George Sand, mais qu’il serait malséant de l’affirmer à un moment où tous les ennemis s’étaient ligués contre elle.

… Mais que diable allait-elle faire sur cette galère ? Ne savait-elle pas qu’un sifflet s’achetait pour un sou et que la plus misérable médiocrité pouvait jouer de cet instrument en virtuose ? Nous avons vu des gens qui savaient siffler comme s’ils étaient des Paganini…[1].


Dans la Notice ultérieure (1854), Heine nomme sans ambages Cosima « un essai parfaitement manqué, de sorte que le front habitué aux lauriers fut, cette fois, couronné d’épines très cruelles… »

Comme nous le savons déjà, George Sand assista à cette première dans une loge en compagnie de Liszt et de Mme d’Agoult[2]. Elle accepta sa défaite avec beaucoup de calme, elle ne l’attribua toutefois ni aux défauts de la pièce, ni à celui de son

  1. Franzosische Zustànde, IV Theil, p. 294.
  2. V. notre tome II, p. 371.