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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/311

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nité pour Marthe de devenir la maîtresse d’Horace nous paraissent déplaisants, indécents même. Tous ces débats semblent indélicats ; cela vient simplement de ce que le récit est fait à la première personne. Dans la suite du roman, lorsque l’auteur parle à la troisième personne, cette pénible impression, produite par certaines scènes du commencement, s’efface. Ce n’est que tout à fait vers la fin qu’on éprouve de nouveau un certain malaise, lorsque les quatre ou cinq personnages commencent à discuter la parenté de l’enfant de Marthe : est-il à Horace, à Paul Arsène ou peut-être même à tous les deux à la fois ? Admettons que George Sand ait voulu expressément peindre par là l’égoïsme et la sophistique d’Horace qui réapparaissent chaque fois que la vie réelle le réclame. Mais grâce à Théophile et Eugénie, on a de nouveau l’impression d’élucubrations pédantesquement indécentes sur un thème scabreux.

Si on fait abstraction de cette erreur de forme commise par l’auteur, on est frappé par la manière magistrale avec laquelle il domine son sujet, par la finesse de ses observations, par la vérité de ses caractères. Horace seul y parle indéfiniment et avec emphase, comme il lui sied : les autres personnages sont bien moins loquaces ; leurs reparties sont plus simples, plus brèves, plus réalistes qu’elles ne le sont dans beaucoup de romans de George Sand.

Quant à l’épisode des amours manques d’Horace avec la vicomtesse, ils sont peints avec un si grand réalisme de détails, les caractères de tous les personnages y sont si incisifs, respirent une satire si mordante et tout le récit est assaisonné de si intéressants apartés de l’auteur et de si fines digressions, que les romanciers de nos jours les plus en vogue n’auraient pas refusé de le signer. N’ayant pas osé peindre elle-même la liaison si douloureusement tragique, et faussée dans son principe, de Liszt avec la comtesse d’Agoult, et ayant cédé le sujet à Balzac, Mme Sand fut tentée de peindre quand même son ex-amie, et quoiqu’elle la représentât non avec le véritable héros de son roman, mais avec un personnage imaginaire, le portrait est assez cruel. Malgré cela, ces héros agissent dans leur diffé-