rend d’une manière toujours conforme à leurs caractères ; or ceci est une condition pour que l’œuvre littéraire soit une vraie œuvre d’art. Et si tout un roman de Balzac est entièrement consacré à la belle comtesse prétentieuse, tandis que chez Mme Sand ce n’est qu’un épisode, cet épisode est vraiment écrit à la Balzac.
En même temps qu’Horace parut dans la Revue indépendante une série d’articles de Mme Sand sur les poètes populaires. Il est tout naturel que Leroux et ses adeptes trouvant qu’il fallait en finir au plus vite avec tous les préjugés, toutes les divisions de caste et de propriété, croyant que « la voix du peuple » est bien vraiment « la voix de Dieu », puisque c’est aux hommes simples, aux consciences droites, aux volontés franches, aux cœurs spontanés, aux masses encore intactes et vierges, à la majorité enfin, que la vérité sera plutôt accessible, il est tout naturel, disons-nous, qu’ils aient accordé une attention toute particulière à tous ces poètes, écrivains et politiques sortis du peuple, qui semblaient être les représentants directs de ses aspirations, de ses opinions, de son esprit.
Dans le n° 1 de la Revue indépendante on trouvait déjà les vers de deux jeunes poètes populaires : Charles Poncy, le maçon de Toulon[1], et Savinien Lapointe, le cordonnier parisien. C’est Arago qui envoya les premiers à la rédaction de la Revue en les accompagnant d’une lettre dans laquelle il donnait quelques détails biographiques. Un peu auparavant, Mme Amable Tastu — poétesse fort connue en son temps — avait aussi écrit une préface au petit livre de poésies, publiées par une modeste ouvrière, Marie Carpentier, et l’un des disciples de Saint-Simon, Olinde Rodrigues, édita tout un recueil de vers des poètes populaires sous le titre général de Poésies sociales[2]. Il est clair que toute la critique ;
- ↑ Selon une autre version (v. George Sand, Questions d’art et de littérature, p. 77), Poncy ne fut pas même maçon, mais bien « un ouvrier en vidanges », c’est-à-dire qu’il s’occupait d’une profession devenue célèbre grâce à Akime, de Tolstoï. « Il n’y a rien de nouveau dans ce bas monde », tout se répète, même les représentants de la pureté d’âme et de la sagesse populaire, qui se trouvent être en même temps des fonctionnaires de l’assainissement public !
- ↑ Olinde Rodrigues, Poésies sociales des ouvriers, 1841.