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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/411

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C’est ainsi que commence sa « Lettre », Blaise Bonnin, paysan de la Vallée Noire, ce même brave bonhomme qui venait de raconter l’histoire de Fanchette.

Après cette naïve entrée en matière ce campagnard bien fin se met à peindre le misérable état du paysan français, écrasé d’impôts, opprimé par les petits fonctionnaires locaux et les petits bourgeois, ruiné par les gros propriétaires, se débattant au milieu de sa misère et de son ignorance, ne pouvant songer à rien de mieux que de pouvoir joindre les deux bouts et ne pas crever de faim avec toute sa marmaille. De sorte que lorsque ayant exposé toutes ses tristesses et tous ses doutes, Blaise Bonnin termine ses plaintes en s’adressant non plus aux rédacteurs de l’Éclaireur, mais à tous ceux qui lui sont supérieurs, mieux partagés que lui par leur instruction, leur position, ou leur fortune, et les prie de résoudre pour lui ces brûlantes questions et s’écrie : Nous attendons ! — alors le lecteur ressent comme un sentiment vague de responsabilité, et le biographe de George Sand trouve parfaitement clair et naturel que la plume qui traça cette lettre en 1844, se dévouât, en 1848 à écrire les Bulletins du gouvernement provisoire qui promettait à la population indigente son égalisation en droits avec les riches et les puissants, l’amélioration de sa position matérielle et sa libération des chaînes de l’ignorance et de l’injustice.

Il est clair aussi que l’auteur de la Lettre du paysan de la Vallée Noire devait saluer avec la plus vive sympathie, dans le numéro du 4 novembre de son Éclaireur, la publication de la Pétition pour l’organisation du travail (dans la Réforme fondée par Louis Blanc). Ce journal et ce parti (le parti démocratique dont les chefs étaient à ce moment Louis Blanc et Ledru-Eollin et qui proclamait l’axiome que « la politique devait s’inspirer de tendances sociales ») parurent si sympathiques à George Sand et marchant dans une si bonne voie, que malgré toute son antipathie pour la politique, elle consentit, comme elle dit, à passer par leur pont du côté de cette politique. C’est pour cela qu’elle s’empressa de prêcher dans son journal le