Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/640

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accès de folie, prends-y garde. Tâche que je sois seule à le savoir. J’ai vu des jeunes femmes lutter contre des passions de cœur ou des sens et s’effrayer de leurs malheurs domestiques, dans la crainte de succomber à des entraînements involontaires. Mais je n’en ai jamais vu une seule élevée comme tu l’as été, ayant vécu dans une atmosphère de dignité et de liberté morale, qui se soit alarmée des privations du bien-être et de l’isolement, à cause des dangers que tu signales. Une femme de cœur et de jugement ne sait pas seulement si de tels dangers existent. Elle peut craindre, si forte qu’elle soit, d’être entraînée par l’amour, jamais par la cupidité. Sais-tu que si j’étais juge dans ton procès et que je lusse tes aphorismes d’aujourd’hui, je ne te donnerais certes pas ta fille ? Et pourtant tu me dis de la redemander pour toi ; ma foi, si tu veux que je continue, parle-moi autrement, je t’en prie, autrement je croirais qu’elle est mieux où elle est.

Bonsoir, ma fille. Lis cette lettre plutôt trois fois qu’une. Elle te fâchera à la première, mais à la troisième tu diras comme moi et tu ne recommenceras plus ce mauvais rêve.

Je t’embrasse quand même et tendrement.

Ta mère.


Je t’ai écrit une longue lettre. Lis-la dans un moment de calme et de raison. Elle résume tout ce que je t’ai dit, tout ce que j’ai à te dire. Je n’y reviendrai pas et t’engage seulement à la garder comme l’invariable réponse que j’aurai à faire à de certaines plaintes.

Et puis, prends ton courage à deux mains. Va chercher ta fille et amène-la ici. Évite-moi de te dire des choses qui font toujours mal à dire et à entendre. Évite aussi d’en dire aux autres qui me reviennent toujours et qui ne me feront pas varier.

Marche droit ; c’est ennuyeux, selon toi. Selon moi, c’est agréable et sain. Efforce-toi de comprendre pourquoi j’en juge ainsi et essaie de trouver le bonheur où il est, dans ta conscience. Tu auras beau chercher, tu ne le trouveras pas ailleurs.

Hélas ! cette lettre de Mme Sand n’eut aucun résultat. Répétons à son sujet les paroles de l’Évangile : Margaritas ante porcos.

La fière conviction que Solange serait incapable de devenir vicieuse ou vénale, était plus feinte que réelle : Mme Sand voulait la lui suggérer comme la meilleure défense de son honneur Ce fut inutilement aussi qu’elle fit appel aux sentiments maternels de Solange pour la petite Jeanne. Ni avant, ni pendant, ni après