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Hippolyte Chatiron prit le parti de Solange, cessa de voir sa sœur et mourut le 26 décembre 1848, sans s’être réconcilié avec elle[1].

  1. Dans l’un des carnets de George Sand de 1854, parmi plusieurs autres dates et anniversaires de mort d’amis et de parents, inscrits à l’époque de la rédaction de l’Histoire de ma vie, Mme Sand écrivit : « Mort d’Hippolyte, 2 janvier 1849 », mais évidemment elle avait mis là, par une association d’idées facile à comprendre, le deuxième jour après le jour de l’an au lieu du second jour après Noël. Hippolyte Chatiron mourut le 26 décembre 1848, comme on peut le voir d’après les lettres de Mme Sand elle-même : l’une à Charles Duvernet, datée du 27 décembre, et l’autre à M. Henri Simonnet, gendre de M. Chatiron, du 28 décembre 1848.

    Dans la première elle écrit : »
    Pour toi seul.


    Nohant, 27 décembre 1848.

    « Cher ami, d’abord une triste nouvelle en ce qui me concerne. Mon pauvre Hippolyte est mort. Annonce ceci à Augustine avec quelque précaution, car, bien que les liens d’affection fussent comme brisés de fait entre lui et nous, la mort est quelque chose de si solennel et de si triste, que je craindrais, dans la position où est notre fillette, de lui causer un moment d’émotion pénible.

    « Ce pauvre ami de mon enfance était fini pour moi depuis longtemps, depuis le mariage de ma fille je ne l’avais pas vu. Il s’était retiré de nous sans savoir pourquoi et sans qu’il y ait eu de ma part avant, pendant, ni après, un mot de reproche pour des torts dont il ne pouvait plus sentir la gravité. Tu sais que chaque jour il augmentait ses torts sans en avoir conscience. Sa raison et sa vie s’en allaient en même temps. Il y a quinze jours, il a eu un accès d’aliénation véritable, furieuse, et nous avons eu à craindre pour lui une situation pire que la mort, il faut bien le dire. Les soins assidus de Papet n’ont pu le sauver. Une fièvre compliquée s’est déclarée ; tous les organes étaient tellement usés, qu’aucun remède n’a produit le moindre effet. Il a recouvré sa tête, un instant, pour dire bonjour à sa famille et à Maurice, mais il ne sentait pas son mal et il est mort dans une divagation tranquille. C’est un suicide ! il avait cinquante ans, une organisation physique magnifique, de l’intelligence et un bon cœur. Mais rien ne résiste à cette passion du vin, et en la combattant pendant quelques années, je n’ai fait que retarder l’inévitable résultat. Ce triste événement me fait rentrer dans un coupon de rentes sur l’État qui me mettra à même de payer une partie de mes dettes… »

    Mme Sand le communique à Duvernet comme à son premier et principal créancier. (V. ce qu’il en a été dit plus haut.)

    Le 28 décembre, elle écrit à M Simonnet :

    « Mon cher Simonnet,

    « J’ignore si l’usage de notre pays comporte les billets de faire part pour les décès. Mais dans le cas où vous croiriez devoir en envoyer, je dois vous prier de me faire figurer, ainsi que Maurice, après les autres parents plus rapprochés et de nous désigner comme faisant part de la mort d’un frère