Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/666

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Mardi.

J’arrive d’Aulnay, mon cher et intrépide travailleur ; je trouve avec votre traité une lettre de Véron, qui ne l’a point lu encore, mais qui a toujours le démon de l’activité dans l’esprit et le diable au corps, comme on dit. J’ai répondu que rien n’était changé dans nos dispositions, hormis le nom de l’héroïne. Il adopte Jeanne. Soyez à votre aise et ne regrettez point le goût dont je m’étais épris pour Claudie. Je lui ferai une infidélité pour Jeanne, puisque vous l’ordonnez…

… Demain vous pourriez signer. À quelle heure vous pourrai-je conduire M. Véron ?

Je vous rends… Mais voilà que M. Véron entre en personne…

… Demain, si vous n’élevez point d’objection, le petit traité vous sera porté entre quatre et six heures du soir, par votre heureux chargé d’affaires, et il aura M. Véron pour acolyte. Qu’en dites-vous ? Écrivez, s’il se peut, un mot ce soir…

Les lignes de cette lettre inédite, omises par nous, sont consacrées à fixer les dates auxquelles George Sand s’engageait à livrer la copie à Véron « pour la publication ininterrompue du roman, à dater du 25 avril ». George Sand, paraît-il, avait rédigé cette clause du contrat de manière à promettre de fournir « un feuilleton par semaine », tandis que Véron, en versant d’avance la somme de dix mille francs, désirait avoir aussi tout le manuscrit à la fois. Ce n’est qu’en se fiant à la promesse d’une si ponctuelle et si continuelle livraison du manuscrit qu’elle rendrait possible l’impression ininterrompue du roman, « comme si tout le manuscrit était entre ses mains », qu’il consentait à le recevoir par grandes tranches ; le contrat fixait en outre les conditions de la livraison d’un autre roman, non écrit mais promis à Véron. Ce dernier ne demandait pas un seul feuilleton par semaine, mais bien cinq. De Latouche conseillait donc de mentionner simplement l’engagement « de livrer la copie pour la publication ininterrompue du roman », afin d’éviter tout malentendu. Ces malentendus surgirent toutefois, George Sand n’étant pas habituée à livrer du travail à terme fixe : elle se vit dans l’impossibilité de faire honneur à son engagement envers Véron et Jeanne seule parut dans le Constitutionnel. Le 24 avril Latouche annonça à Mme Sand que le prologue de