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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/102

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et sous celui de Maurice qui me représentera. Je leur dis aussi de venir me retrouver ici tout de suite après. Je leur envoie donc une petite somme en papier pour leur voyage. Tâche de faire remettre les deux lettres ce soir à Nohant. Tu devrais te faire accompagner par quelqu’un de nos amis à Châteauroux et aller coucher à Nohant.

Adieu, adieu, j’ai un gros chagrin de ne pas partir avec toi. J’embrasse Charles.

George[1].


Le 16 avril, au matin, George Sand écrit encore à son fils les lignes plus que significatives que voici :

L’affaire est avortée ou la partie est remise. Il n’y aura rien aujourd’hui. Je suis doublement fâchée à présent de ne pas avoir été à Nohant. Je m’y serais remise d’une toux qui me fend le corps en quatre. Mais on ne sait plus où on en est, et rien ne ressemble plus aujourd’hui à la vie d’hier. J’espère pourtant bien me sauver au premier rayon de soleil et aller me reposer un peu près de toi. Tu ne me dis rien de ce qui se passe chez nous. Avez-vous un sous-commissaire ? Que disent les paysans de Nohant ? Que fais-tu ? J’ai eu des détails du mariage par Eugénie, j’ai su que Gilland et son ami[2] y assistaient. Probablement je vais voir arriver Titine aujourd’hui qui me racontera tout ce que tu ne me dis pas.

Ici, tout va de travers, sans ordre et sans ensemble. Il y aurait pourtant de belles choses à faire en politique et en morale pour l’humanité. Malgré les bourgeois, il y aurait mille moyens de sauver le peuple. Mais l’homme, dit Montaigne, est ondoyant et divers. Il faudra que j’aille te raconter tout le détail de cela. C’est bien curieux, c’est souvent triste, souvent bête, et c’est pourtant avec tout cela que le progrès marche et que l’histoire se fait…

(Viennent des lignes consacrées à des conseils maternels à Maurice et à Eugène Lambert de travailler sérieusement, ainsi que des détails sur leurs tableaux et dessins exposés au Salon. Puis Mme Sand revient à ses affaires et à ses projets personnels) :

… Écris-moi donc, puisque je suis en prison ici. Je tente de trouver un gagne-pain et un moyen d’être utile dans ce journal que j’ai créé. Ça prendra-t-il, oui ou non ? Je ne sais encore. Mais si ça ne prend pas, je ferai autre chose. Enfin, il faut trouver ici un moyen de faire

  1. Ces deux lettres sont inédites.
  2. Alexandre Lambert, ouvrier et publiciste prolétaire, puis rédacteur de journal à la Châtre ; cf. les chapitres iv (vol. III) et ix (vol. IV).