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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/124

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18 mai 1848.
Mon cher Thoré,

Trouvez-vous utile que je constate votre alibi, lors de la scène de l’Hôtel de Ville, le 15 mai ?… Vous vous rappelez que nous avons causé ensemble et avec deux autres personnes au coin de la rue du Bac et du quai d’Orsay pendant qu’à votre insu, on vous proclamait maire de Paris. Mon témoignage est à votre disposition, vous le savez.

Tout à vous.

George Sand.

Thoré ne profita pas de cette lettre et préféra la version qui constatait son alibi indirectement et se trouvait dans les premières ligues de l’article de George Sand écrit de Nohant te 24 mai et qui parut le 27 mai dans la Vraie République sous le titre d’une Lettre à Théophile Thoré.


Mon cher Thoré,

Je ne suis qu’à dix heures de Paris, et je vous enverrai mes articles comme à l’ordinaire. Lorsque je vous ai rencontré, le 15, au quai d’Orsay, ignorant comme vous ce qui se passait an même moment à l’Hôtel de Ville, je vous ai dit que je partais, que j’avais toujours dû partir le lendemain ; mais il se faisait tant de bruit autour de nous, que vous ne m’avez pas entendu apparemment. Je ne suis cependant parti que le 17 au soir, parce qu’on me disait que je devais être arrêté ; et, naturellement, je voulais donner à la justice le temps de me trouver sous sa main, si elle croyait avoir quelque chose à démêler avec moi. Cette crainte de mes amis n’était guère vraisemblable, et j’aurais pu faire l’important à bon marché, en prenant un petit air de fuite, pendant que personne ne me faisait l’honneur de penser à moi, si ce n’est quelques messieurs de la garde nationale qui s’indignaient de voir oublier un conspirateur aussi dangereux. Ils n’ont pourtant pas été jusqu’à dire que j’avais un dépôt de fusils et de cartouches dans ma mansarde…

… J’étais si peu du prétendu complot, — écrit-elle à Poncy à la même date, — que je jurerais presque qu’il n’y a pas eu complot, mais coup de tête et enivrement imprévu. De la part de Barbes et Louis Blanc, j’ai la complète certitude de l’absence de connivence et je crois encore que le Moniteur, qui n’est pas un évangile, n’a pas rendu un compte fidèle des paroles qu’ils ont prononcées dans le tumulte. En