Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/125

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attendant, ils sont insultés et menacés comme des bêtes féroces. Barbès, ce héros, ce martyr, est en prison. Pierre Leroux aussi. J’ai été menacée, mais on s’est arrêté, je pense, devant l’absurdité d’un pareil soupçon. Pourtant, comme je craignais une visite domiciliaire qui n’eût en rien compromis ni mes amis, ni moi, mais qui eût mis du désordre et le coup d’œil du premier venu dans mes papiers de famille, après deux jours passés sans encombre à Paris, j’ai quitté ma mansarde le 17 et je suis venue ici me mettre en mesure d’attendre sans inquiétude cette vexation qui n’a point eu lieu et qui n’aura point lieu probablement.

Ne vous inquiétez point de moi au milieu de tout cela, je ne suis pas malade, et Les rudes fatigues que j’ai éprouvées sont dissipées depuis que j’ai revu mon cher Nohant…

… Je ne sais par quel caprice, — écrit-elle le 10 juin à Barbès, déjà incarcéré à Vincennes, — il paraît qu’on voulait me faire un mauvais parti et mes amis me conseillaient de fuir en Italie. Je n’ai pas entendu de cette oreille-là. Si javais espéré qu’on me mit en prison près de vous, j’aurais crié : Vive Barbès ! devant le premier garde national que j’aurais trouvé nez à nez. Il n’en aurait peut-être pas fallu davantage.

… Mais, comme femme, je suis toujours forcée de reculer devant la crainte d’insultes pires que des coups, devant ces sales invectives que les braves de la bourgeoisie ne se font pas faute d’adresser au plus faible, à la femme, de préférence qu’à l’homme.

J’ai quitté Paris, d’abord parce que je n’avais plus d’argent pour y rester, ensuite pour ne pas exposer Maurice à se faire empoigner ; ce qui lui serait arrivé s’il eût entendu les torrents d’injures que l’on exhalait contre tous ses amis et même contre sa mère, dans cet immense corps de garde qui avait remplacé le Paris du peuple, le Paris de Février. Voyez quelle différence ! Dans tout le courant de mars, je pouvais aller et venir seule dans tout Paris, à toutes les heures, et je n’ai jamais rencontré un ouvrier, un voyou qui, non seulement ne m’ait fait place sur le trottoir, mais qui encore ne l’ait fait d’un air affable et bienveillant. Le 17 mai, j’osais à peine sortir en plein jour avec mes amis : l’ordre régnait !…

Toutes ces lettres nous permettent de préciser avec une absolue exactitude le jour du départ de George Sand pour Nohant (tout en ne nous laissant point convaincre sur son prétendu calme devant les répressions qui la menaçaient). Toutes les autres lettres inédites permettent aussi de constater qu’à partir du 18 mai[1],

  1. Nous pouvons ainsi confirmer en passant l’absolue exactitude de l’indication de Mérimée que le dîner chez Monkton-Milnes auquel assistèrent