Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/127

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des paysans contre l’impôt de 45 centimes et contre le chômage des affaires, mais ils parvinrent à répandre parmi la population obscure des renseignements les plus exacts sur l’ennemi juré du peuple et de la bourgeoisie, l’horrible vieillard appelé le Père Communisme qui, aidé par M. le Duc Rollin, s’apprêtait à s’approprier et à donner à Mme Sand toutes les terres et toutes les vignes du paysan, et, ayant ainsi introduit la loi agraire sui generis, et fait table rase de la religion, du mariage, de la famille, il fera en outre, « tuer tous les enfants en bas âge et tous les vieillards au-dessus de soixante ans[1] ». Quant à la dame de Nohant, elle s’est spécialement rendue à Paris pour se joindre par ses écrits à ces deux abominables ennemis du genre humain[2], et leur prêter aide et secours. Ainsi donc, lorsque cette bonne dame est revenue au Berry, la population des campagnes environnantes, les mêmes braves indigènes qu’Aurore Dupin avait connus dès son enfance, que plus tard, elle avait soignés, pansés, enseignés, secourus, et qu’elle s’imaginait être ses meilleurs amis, commencèrent à lui manifester une hostilité croissante, et ces mêmes lachâtrois, qui dans leur jeunesse, étaient des habitués de sa maison, prirent ouvertement parti contre elle, et commencèrent à exciter les paysans et citadins. On passait devant le mur de Nohant en criant : « Mort aux communistes ! À bas Maurice Dudevant ! À bas Mme Dudevant ![3] Il est vrai qu’il suffisait à Mme Sand de se montrer pour que l’on se découvrît et s’éloignât fort paisiblement ; pourtant à peine tournait-elle le dos, que les cris recommençaient. L’air semblait à l’orage et chargé d’électricité à tel point, qu’un brave métayer avait déclaré que la dame de Nohant méritait d’être enterrée vive dans un fossé[4]. Tout cela Mme Sand le conte de la manière, semble-t-il, la plus allègre dans sa lettre du 24 mai, à Thoré, mais cet humour est tout artificiel et on peut voir à travers

  1. Lettre à Thoré (la Vraie République du 27 mai 1848), réimprimée dans le volume des Souvenirs de 1848, sous le titre le Père Communisme.
  2. Lettre à Charles Delaveau du 13 avril 1848. (Corresp., t. III, p. 25-30.)
  3. La même lettre et celle à Mme Marliani de juillet 1848.
  4. Lettre du 24 mai à Thoré (la Vraie République du 27 mai) et lettre privée du 28 mai au même.