Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/130

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commission exécutive s’est opposée à ce que je fusse poursuivie. Si cela est, je vous en remercie personnellement ; car, ce que je déteste le plus au monde, c’est d’avoir l’air de jouer un rôle[1] pour le plaisir de me mettre en évidence. Mais si l’on venait à vous accuser de la moindre partialité à mon égard, laissez-moi poursuivre, je vous en supplie. Je n’ai absolument rien à craindre de la plus minutieuse enquête. Je n’ai rien su ni avant ni pendant les événements, du moins rien de plus que ce qu’on voyait et disait dans la rue. Mon jugement sur le fait, je ne le cache pas, je l’écris et je le signe ; mais je ne crois pas que c’est là conspirer.

Adieu et à vous de tout mon cœur.

Puis, Ledru-Rollin, ayant consenti à ce qu’elle agisse comme elle l’entendait, elle écrivit à Girerd, son vieil ami, alors député à l’Assemblée, la lettre que voici et que nous devons citer, quoiqu’elle ait été publiée dans la Correspondance :


Nohant, 6 août 1848.
Mon ami,

Je suis en effet l’auteur du 16° Bulletin, et j’en accepte toute la responsabilité morale. Mon opinion est et sera toujours que si l’Assemblée nationale voulait détruire la République, la République aurait le droit de se défendre, même contre l’Assemblée nationale,

Quant à la responsabilité politique du 16° Bulletin, le hasard a voulu qu’elle n’appartint à personne. J’aurais pu la rejeter sur M. Ledru-Rollin, de même qu’on aurait fort bien pu ne pas rejeter sur moi la responsabilité morale. Mais dans un moment où le temps manquait à tout le monde, j’aurais cru, moi, manquer à ma conscience, si j’avais refusé de donner quelques heures du mien à un travail gratuit, autant comme argent que comme amour-propre. C’est la première et ce sera probablement la dernière fois de ma vie que j’aurai écrit quelques lignes sans les signer.

Mais du moment que je consentais à laisser au ministre la responsabilité d’un écrit de moi, je devais aussi accepter la censure du ministre ou des personnes qu’il commettait à cet examen.

C’était une preuve de confiance personnelle de ma part envers M. Ledru-Rollin, la plus grande qu’un écrivain qui se respecte puisse donner à un ami politique.

Il avait donc, lui, la responsabilité politique de mes paroles, et les cinq ou six Bulletins que je lui ai envoyés ont été examinés. Mais le

  1. C’est encore nous qui soulignons.