Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/135

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Et George Sand dit alors, déjà sérieusement, qu’il aurait fallu, selon elle, avertir l’Assemblée de ne pas se détourner du peuple et de ne pas tourner à la franche réaction, par crainte d’une minorité factieuse.

De son côté, Maurice Sand, dans sa lettre à Charles Duplomb, auteur d’une Monographie de la rue du Bac[1], réfutait comme suit la légende accréditée qui prétendait que George Sand aurait été vue à la fenêtre d’un café prononçant un discours devant la foule rassemblée :

… Il est complètement faux que ma mère ait harangué la foule an quai d’Orsay. C’est une dame A… qui, le 15 mai 1848, était dans ledit café (d’Orsay) et faisait de la révolution parlementaire. Quelques imbéciles, en la voyant, crièrent ou firent une farce aux autres badauds, en criant : Vive George Sand ! La bonne dame, enchantée d’être prise pour ma mère, salua la populace et, entre plusieurs bocks, se paya plusieurs speechs. Je l’ai vue et entendue, parce qu’un des badauds là présents m’a pris à partie en me disant : « Venez donc crier : Vive George Sand ! » Moi, de rire de la fumisterie en disant : « Ce n’est pas George Sand, c’est Mme A…, femme de lettres. Quant à George Sand, je la connais bien, puisque c’est ma mère. » Votre père[2] a dû vous raconter la chose, car j’étais avec lui ce jour-là, le 15 mai, à l’assaut de l’Assemblée nationale, d’où nous avons été pour prendre les canons de l’École militaire, où nous n’avons rien pris que des bocks en route, et d’où nous nous sommes rabattus sur l’Hôtel de Ville. Journée mémorable et des plus hilarantes que j’aie passées !

George Sand raconta toutefois la journée du 15 mai et les choses qu’elle vit et entendit alors autrement que sous la forme d’une défense badine de sa personne. Le 28 mai et le 5 juin parurent, dans la Vraie République, ses deux Feuilletons populaires : la Lettre d’Antoine G. ouvrier carrossier à Paris et la Réponse de Gabrielle G. à son mari Antoine G.,[3]. C’est dans

  1. Monographie de la rue du Bac. (Paris, in-8°, 1894.)
  2. Charles Duplomb était fils d’Adolphe Duplomb. Ce dernier, surnommé Hydrogène, apothicaire à la Châtre, était grand ami d’Aurore Dudevant et de son frère, Hippolyte Châtiron, et leur compagnon d’escapades et de parties de plaisir. George Sand en parle dans le morceau autobiographique, Un voyage chez M. Blaise (volume des Dernières Pages), ainsi que dans ses lettres de jeunesse. (Voir Corresp., t. Ier.)
  3. Réimprimées dans le volume des Souvenirs de 1848, sous le titre de Paris et la province.