Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/136

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ces feuilletons que, déjà sérieusement et simplement, avec cet art achevé et cette pénétration géniale de la psychologie populaire qui lui sont propres, George Sand fait raconter « l’Événement du 15 mai », par un simple ouvrier, point fanatique, mais conscient de ses droits et de ses devoirs.

Antoine G. ne voulait prendre part à aucune manifestation, parce qu’il avait ouï-dire que c’est l’affaire des « meneurs » et quant à lui, il « ne se mêlait pas de la politique des bourgeois » ; mais il se rendit quand même à l’Hôtel de Ville, lorsqu’il entendit battre le rappel, parce qu’on lui avait dit qu’on tirait sur le peuple dans les environs de l’Assemblée. Il faillit se trouver au nombre des « factieux » et n’échappa que par hasard au danger d’être écrasé par la cavalerie. Dans sa logique toute rectiligne, il jugea que si même les meneurs qui voulaient proclamer leur propre gouvernement, avaient tort, les bourgeois qui se réjouissaient de cette occasion d’étouffer le peuple, — jusqu’alors le maître de la position, — étaient bien plus fautifs encore. Selon Antoine G. et ses amis : Coquelet, Bergerac, Vallier et Laurent, une fois que les bourgeois provoquaient les « blouses », il fallait prendre les armes, parce que celui qui commence le premier à tirer contre le peuple, sous quelque prétexte que ce fût, est un ennemi du peuple.

Le peuple n’entend rien à la politique, il « ne connaît ni Blanqui, ni Dieu, ni diable dans ces affaires ; il ne sait qu’une chose, c’est que le peuple est malheureux et qu’on le nourrit de coups de fusil… » Une fois que les bourgeois crient « À bas Barbes », pour cette seule raison Coquelet voulait crier « Vive Barbes », au risque de se faire arrêter ou écharper par les furieux de l’ordre, et ce ne sont que ses amis qui l’en empêchèrent en le « prenant au collet ».

« Nous tombâmes tous d’accord qu’il fallait aller chercher nos armes et obéir au rappel ; mais nous y avons tous été avec l’intention bien arrêtée de tirer sur le premier habit qui tirerait sur une blouse, car, dans ce moment d’étonnement où nous ne comprenions rien du tout à tout ce qui se passait, nous sentions que Coquelet était mieux inspiré par son cœur que nous ne l’avions été par la raison. Oui, oui,