Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a fait traîtreusement et en cachette. Mon accusation suivra cet homme partout. Je suis là sur le tombeau d’une femme que j’aimais, et je l’accuse ; ce qu’on fera de mon accusation, je ne le sais pas. Je ne cherche pas des verdicts, ils arriveront naturellement.

Portant mon accusation devant la plus haute autorité quant à la femme, la portant devant George Sand, je ne voulais qu’un peu d’attention sympathique, qu’un peu de confiance.

Dans la pensée de m’entretenir de cette tragédie avec elle, il y avait pour moi un entraînement irrésistible.

Il y a longtemps que je rêvais à cela. Ta visite m’a montré de près la possibilité de réaliser ce dernier rêve poétique. Mais je n’ai demandé ni réponse ni verdict. Je voulais laisser tout cela au temps et à la pleine conviction.

Voilà, cher Müller, ce que j’avais sur le cœur de te dire. Communique quelque chose de cela à George Sand, si tu n’as rien contre cela. Adieu. Je te salue fraternellement.

A. Herzen.
Londres, 19 octobre 1852.
Madame,

Comme j’ai trouvé à l’instant même une occasion pour Paris, je me permets de vous envoyer une lettre de mon ami Herzen, qu’il m’a adressée pour vous être communiquée. J’y joins une brochure qu’il m’a également remise pour vous. Je ne l’ai pas encore lue, mais je la crois très remarquable. Si vous-même n’avez pas le temps de la lire, Émile[1] s’en chargera bien et vous dira si cela vaut la peine, Herzen a écrit encore une autre brochure sur l’état actuel de la Russie, qui, malheureusement, a été saisie par le gouvernement français, Il s’en plaint beaucoup, parce qu’il la croit supérieure à ce premier essai.

Je n’ai que justement le temps de vous remercier de tout mon cœur pour votre bonne lettre et pour le bon souvenir que vous me gardez. J’ai besoin d’une telle consolation, car, après tout, je suis encore très seul ici. Mes affaires, pourtant, ne vont pas mal, j’ai trouvé déjà des leçons qui me font gagner quinze shillings par semaine, c’est-à-dire les trois quarts de ce qui est strictement nécessaire pour vivre. C’est beaucoup pour le moment, d’autant plus que c’est indépendamment des lettres de M. et Mme Viardot. Je n’ai pas encore des nouvelles de Duvernet, ce qui m’étonne beaucoup. J’espère pourtant qu’il a reçu ma lettre. Pardon, madame, de cette lettre incohérente, j’écris

  1. Émile Aucante.