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russe Messager de l’Europe, lors de l’impression dans cette revue d’une partie du présent chapitre. Les lecteurs français nous en sauront quelque gré tout en relisant ce qu’ils connaissent déjà, car ils y trouveront aussi de l’inédit, et il est très important pour nous de souligner et d’annoter quelques noms et détails complaisamment offerts par George Sand elle-même à l’attention de ses biographes à venir.

Journal de 1851
Novembre 1851.
Mercredi 26.

Première représentation de Victorine. Succès. J’ai été fort calme et indifférente sans me rendre bien compte du pourquoi. J’ai vu la pièce, de la petite loge de l’acteur-régisseur Monvel, sur le théâtre, derrière le manteau d’Arlequin. Je me suis bien rendu compte de mon impression. J’ai persisté à préférer le premier et le troisième acte au second. Le public a, dit-on, préféré le deuxième aux deux autres. N’importe. Après la pièce, j’ai été dans la loge de Rose Chéri[1] ; sa mère, sa sœur, son mari y sont venus. Anna pleurait et s’est mise à genoux pour m’embrasser. C’est une fille laide, fort agréable, qu’on dit très bonne et qui parait adorer Rose. Elle est très expansive et ne manque pas de talent dans les travestis. Puis sont venus dans la même loge ma fille[2], Clésinger, le comte d’Orsay[3], Bourdet et sa femme, Mlle Fernand[4] avec sa tante, Mme Albert[5] et son mari Bignon, Mme Allan

  1. Mme Rose Chéri, la charmante ingénue du Gymnase, femme du directeur, M. Montigny, jouait surtout les jeunes premières, elle remplissait dans le Mariage de Victorine le rôle de l’héroïne.
  2. Mme Solange Clésinger. Son mari, le sculpteur connu, l’auteur de la Femme au serpent, fut à ce moment très lié avec le comte d’Orsay, qui, comme on le sait, s’était, sur la fin de sa vie, épris de sculpture, travaillait à des bustes de ses contemporains illustres et fut, peu avant sa mort, nommé ministre des Beaux-arts.
  3. Le comte Gédéon-Gaspard-Alfred d’Orsay, que nous venons de citer, le célèbre dandy et arbiter elegantiarum, ami de Byron, connu dans la chronique mondaine de 1820-1850 sous le nom du « beau d’Orsay ». Il passa nombre d’années de sa vie sous le même toit que la non moins célèbre lady Blessington qui donna aussi l’hospitalité à Napoléon III, lors de son séjour à Londres, après sa fuite de Ham. Il est évident que ce service amical ne fut point oublié par Napoléon et, quoique le biographe du comte d’Orsay, le comte de Contades, assure le contraire, d’Orsay jouit toujours d’une certaine influence à l’Élysée, comme nous le verrons bientôt. Il fut aussi très lié avec le prince Jérôme.
  4. Mlle Femand, la jeune première de t’Odéon, qui créa le rôle d’Edmée dans Mauprat en 1853.
  5. George Sand lui dédia son roman d’Adriani.