Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/187

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dans la bagarre. Je suis restée avec elle pendant qu’elle s’habillait pour jouer Victorine devant les banquettes. J’ai ensuite causé avec son mari, pendant presque tout le premier acte, dans sa loge…

Nous renvoyons le lecteur au volume des Souvenirs et idées pour lire, dans les pages qui suivent, le résumé de la causerie entre Mme Sand et Montigny, car on y verra quel chemin avait fait Mme Sand depuis les jours où elle « prêchait la république » à qui voulait ou ne voulait point l’entendre, jusqu’à ce soir où elle déclare « ne plus discuter, s’étant interdit la discussion et commandé l’attention et l’examen », car, dit-elle :

Il ne s’agit plus d’enseigner sans prévoir. Il faut connaître, il faut comprendre. Il faut voir le fait, étudier les hommes réels, et ne pas les gêner par la contradiction systématique. Autrement on les juge de travers et on parle à des abstractions. Je suis si maîtresse de moi, à présent, que rien ne m’indigne plus. Je regarde l’esprit de réaction comme l’aveugle fatalité qu’il faut vaincre par le temps et la patience. Ô hommes ! vous briserez mais vous ne convertirez pas, tant que la passion parlera sans écouter…

Un seul mot la frappe dans la bouche de Montigny, qui prédit le triomphe final de la rouge et adresse, en la personne, de Mme Sand, la supplique que voici aux républicains : Soyez cléments.

Puis Mme Sand continue à noter les impressions de cette soirée :

… La foule était assez compacte, quand j’ai remonté dans ma petite voiture de louage pour traverser le boulevard. Hors de là, rien. Paris un peu plus triste que de coutume, voilà tout.

J’ai passé le reste de la soirée au coin de mon feu et lu jusqu’à deux heures du matin l’Histoire d’Italie par Quinet. C’est beau. Mais qu’on Ut mal quand on a toujours l’oreille tendue aux bruits étrangers et sinistres de la nuit ; rien ! un silence de mort, d’imbécilité ou de terreur. Tu ne bouges pas, vieux Jacques, tu as bien raison, ton heure n’est pas venue. Te voilà bien bas, aussi bas que possible, c’est le moment de songer à ton avenir, qui se résume dans cette parole : Sois clément.

Mercredi 3 décembre. — M’y voilà comme hier, à la même heure, dans la nuit du 3 au 4, seule au coin de mon feu, dans une chambre