Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/188

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bien modeste, mais bien propre et assez chaude. Ah ! bien-être, que tu es nécessaire à l’homme et qu’il est amer de penser que la plupart des hommes mourront privés de tout ! En quoi ai-je mérité d’être tranquille dans ce coin avec les pieds chauds ? Est-ce parce que j’ai beaucoup travaillé ? Et tous ceux qui travaillent dans le froid, dans la misère, dans les larmes, en quoi ont-ils mérité leurs souffrances ?

Quelle interminable journée ! J’ai été déjeuner comme à l’ordinaire chez Thomas…

Nous ne suivons pas plus loin Mme Sand dans le récit des journées de décembre. Notre but a été de faire voir comment et quand ce journal fut écrit et de noter certains faits et noms.

L’orage qui grondait en France avait, entre temps, foudroyé la plupart des amis parisiens et berrichons de George Sand. Il ne se passait presque pas de jour qu’elle n’apprît l’arrestation, la violation de domicile, la déportation ou l’internement dans les casemates de tel ou tel de ses amis ou connaissances. Des avocats, des notaires, des médecins et des typographes, d’humbles vignerons et des fermiers, des artisans et des députés, des philosophes et des travailleurs sachant à peine lire, et jusqu’à des curés expiaient d’une manière ou d’une autre leur adhésion au parti vaincu. La panique et l’abattement régnaient presque dans toutes les familles amies de George Sand. Le curé Liotard, Fleury et Patureau-Francœur se cachaient ; Lebert, Luc Desages et Pauline Roland étaient condamnés à être internés en Afrique ou à Cayenne ; Aucante, Ernest Périgois, Fulbert Martin, Alexandre Lambert et Lumet étaient en prison ; Charles Leroux et Greppo étaient menacés de déportation ; Dufraisse, Borie, Hetzel, Pierre Leroux, Louis Blanc, Ledru-Rollin, Müller étaient ou s’étaient exilés en Angleterre ou en Belgique. Des bruits commencèrent à circuler que George Sand elle-même était menacée de prison, d’exil, voire même de peine de mort, pour sa participation aux événements de 1848 et pour ses relations avec les radicaux. Le 13 et le 14 janvier elle écrivit à ce propos à ses cousins de Villeneuve — qui avaient eu des craintes en 1848 et s’étaient adressés à elle, la croyant alors au faîte du pouvoir, et auxquels elle demandait maintenant si ce n’est protection, —