Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/192

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au beau-père de Duvernet[1], et elle explique ce qu’il faut faire pour satisfaire ce dernier au cas où elle serait exilée ou devrait rester trop longtemps à Paris pour ses démarches. Or, il résulte de l’examen des papiers de George Sand que cette somme fut empruntée surtout pour pouvoir venir en aide aux proscrits politiques, et avant tout à Fleury et à sa famille. Et ce voyage, dont Duvernet devait deviner « le but principal », avait pour objectif non seulement le désir d’éclaircir si, pour ses relations avec les radicaux, Mme Sand avait quelque chose à craindre personnellement, comme elle le disait à M. de Villeneuve, mais encore et surtout celui d’essayer de voir son ex-correspondant de Ham et de tâcher, sinon de l’arrêter sur la pente où le poussaient les aventuriers du genre d’« Eugène Rougon », empressés à pêcher en eau trouble et à parvenir, du moins d’arrêter les « vengeances personnelles ».

…Je ne savais trop dans quelles dispositions je trouverais le prince, — écrit-elle encore à M. de Villeneuve le 31 janvier. — J’avais pris le parti de lui écrire tout droit avec franchise. Il m’a répondu de sa main par la petite poste, et hier j’ai été le voir. Il m’a pris les deux mains et a écouté avec beaucoup d’émotion et de sympathie tout ce que je lui ai dit des vengeances personnelles auxquelles la politique servait de prétexte, dans ma province. Il m’a prié de lui demander, pour mes amis, victimes de ces injustices, tout ce que je voudrais, et m’a témoigné la plus grande estime pour mon caractère, bien que je lui aie dit que j’étais aussi républicaine qu’il m’avait connue et que je ne changerai jamais. Je n’ai pas voulu l’importuner de détails ; je lui ai tout bonnement plaidé l’amnistie. Après quoi j’ai été trouver le ministre de l’Intérieur que f avais reçu autrefois chez moi, lorsqu’il conspirait contre le prince. J’ai été accueillie de même, et j’ai obtenu l’élargissement de plusieurs de mes amis en attendant mieux. Vous voyez que je n’étais ni folle, ni coupable de vouloir me préserver pour sauver les autres et qu’il n’est pas nécessaire de commettre la lâcheté de renier ses opinions pour être estimée des gens d’esprit.

Le ministre m’a dit que mon préfet était une bête et un animal d’avoir fait telle et telle chose…

Voici cette réponse de Napoléon, « envoyée par la petite poste », que nous avons eu la chance de retrouver dans les papiers de

  1. Mme Eugénie Duvernet était née Ducarteron.