Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/207

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qui m’était douloureuse après ce que je vous ai entendu dire. J’ai répété que j’avais foi en vous, et que la personnalité était inconnue au cœur d’un homme pénétré, comme vous l’êtes, d’une mission supérieure.

J’ai dit que j’irais vous demander leur grâce ou la commutation de leur peine. Ils avaient dit non d’abord ; ils ont dit oui, quand ils ont vu ma conviction. Ils m’ont autorisée à profiter de cette offre généreuse que vous m’avez faite et qu’il m’était si douloureux d’être forcée de refuser.

Maintenant, vous n’estimeriez pas ces deux hommes si je vous disais qu’ils rétracteront leurs principes, qu’ils abandonneront leurs sentiments. Us ont toujours été, ils seront toujours étrangers aux conspirations, aux sociétés secrètes, et la forme absolue de votre gouvernement ne peut plus vous faire redouter l’émission publique de doctrines que vous ne toléreriez pas.

Peut-être n’entrerait-il pas dans vos desseins actuels de laisser savoir que c’est à moi, écrivain socialiste, que vous accordez la commutation de peine de deux socialistes.

S’il en était ainsi, croyez à mon honneur, croyez à mon silence. Je ne confie à personne l’objet de cette lettre, et, satisfaite d’être fière de vos bontés dans le secret de mon cœur, je n’en dirai jamais l’heureux résultat, si telle est votre volonté.

George Sand.

Si vous ne repoussez pas ma prière, daignez me faire savoir le moment que vous m’accorderez pour aÛer vous nommer les deux personnes qui m’intéressent.

Cette audience demandée, Napoléon l’accorda pour le 6 février et pendant cette entrevue George Sand ne se contenta pas de plaider l’amnistie générale, mais encore elle intercéda en faveur de deux républicains intransigeants auxquels elle avait fait allusion dans sa lettre : MM. Greppo et Marc Dufraisse, ainsi qu’en faveur de Luc Desages. La manière dont le président avait accueilli ces demandes éveilla en elle des sentiments de profonde estime et de reconnaissance et lui donna le courage, à partir de ce jour, pour faire des démarches en faveur d’une quantité de personnes et d’assiéger le prince, nombre de fois encore, de ses lettres et de ses demandes. D’autre part, elle put se convaincre que, malgré toutes ses belles qualités, Napoléon n’était pas de