Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réponses officielles du général Roguet que c’est justement au mois de mai que George Sand avait redemandé une audience au président. Cette audience lui fut accordée le 21 mai à trois heures, mais par suite de l’arrivée tardive de sa lettre pour le général Roguet et aussi parce qu’elle n’avait pas, comme il le fallait, adressé sa lettre directement à ce dernier, elle n’eut pas le temps d’arriver de Nohant, et l’audience fut manquée. George Sand affirma plus tard qu’elle « ne voulut pas » en profiter, mais les documents réfutent cette assertion[1].

Au prince Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République.
Prince,

Us sont partis pour le fort de Bicêtre, ces malheureux déportés de Châteauroux, partis enchaînés comme des galériens, au milieu des larmes d’une population qui vous aime et qu’on vous peint comme dangereuse et féroce. Personne ne comprend ces rigueurs. On vous dit que cela fait bon effet ; on vous ment, on vous trompe, on vous trahit. Pourquoi, mon Dieu, vous abuse-t-on ainsi ? Tout le monde le devine et le sent, excepté vous. Ah ! si Henri V vous renvoie en exil ou en prison, souvenez-vous de quelqu’un qui vous aime toujours, bien que votre règne ait déchiré ses entrailles, et qui, au lieu de désirer, comme les intérêts de son parti le voudraient peut-être, qu’on vous rende odieux par de telles mesures, s’indigne de voir le faux rôle qu’on veut vous faire dans l’histoire, à vous qui avez le cœur grand autant que la destinée.

À qui plaisent donc ces fureurs, cet oubli de la dignité humaine, cette haine politique qui détruit toutes les notions du juste et du vrai, cette inauguration du règne de la terreur dans les provinces, le proconsulat des préfets qui, en nous frappant, déblayent le chemin pour d’autres que vous ? Ne sommes-nous pas vos amis naturels, que vous avez méconnus pour châtier les emportements de quelques-uns ? Et les gens qui font le mal en votre nom, ne sont-ils pas vos ennemis

  1. Dans le feuilleton du Temps, écrit le jour même de la mort de Napoléon III et intitulé : Dans les lois (il ne fait pas partie du volume Impressions et souvenirs, comme il le faudrait, mais de celui des Dernières pages), George Sand assure qu’après les premières entrevues avec Napoléon, déjà, elle se crut jouée et ne voulut plus le revoir, « …J’ai quitté Paris et manqué & un rendez-vous donné par lui. On ne m’a pas dit : « Le roi a failli attendre », on m’a écrit : « L’empereur a attendu… » — Le lecteur verra que c’est de l’histoire… comme on en écrit !