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Adieu, mon frère. Quand vous souffrez, pensez à moi et appelez mon âme auprès de la vôtre. Elle ira.

Ma famille d’enfants et d’amis vous envoie ses vœux sincères.

George.
Nohant, 24 décembre 1847.
Mon ami,

Je crois que je vais vous faire plaisir en vous disant qu’on a retrouvé, dans un coin de la chambre que vous avez habitée ici, une bague qui doit vous appartenir et vous être chère. Si j’en juge par la devise : Ti conforti amor materno, ce doit être un don de votre mère, et vous croyez sans doute l’avoir perdue. Je l’ai serrée précieusement, et quand vous m’indiquerez une occasion sûre, je vous l’enverrai. Faut-il, en attendant, la faire remettre à M. Accursi ?

J’ai reçu votre lettre au pape[1], elle est fort belle. Mais votre voix sera-t-elle écoutée ? N’importe, après tout ! D’autres que le pape liront cette lettre et ranimeront leur zèle et leur patriotisme pour entraîner ou combattre le zèle ou la tiédeur des princes. Les bonnes pensées sont déjà de bonnes actions, et vous n’avez que de ces pensées-là. Je suis vivement touchée de tout ce que vous me dites de bon et d’affectueux de la part de vos amis. Remerciez-les pour moi de leur affectueuse hospitalité. J’y répondrais avec empressement si j’étais libre. Mais avant de l’être, il faut que je passe toute une année dans les chaînes. J’ai conclu un marché, un véritable marché pour travailler un an entier et recevoir une somme[2]. Je jouissais depuis quelques années d’une sorte d’indépendance ; mais, l’âge d’établir les enfants étant venu[3], et moi n’ayant jamais su épargner en refusant d’assister autant de gens qu’il m’était possible, je me suis vue dans la nécessité de penser sérieusement au prix matériel du travail de l’art. Comme, au reste, ce travail dont je vous ai parlé me plaît, et était depuis longtemps un besoin moral pour moi[4], j’aurais mauvaise grâce à me

  1. V. plus loin.
  2. Il s’agissait de son traité avec M. de Girardin, directeur de la Presse. Selon ce traité, George Sand devait livrer le manuscrit de ses Mémoires en l’espace d’une année, et M. de Girardin devait la rembourser dans la somme de 11 000 francs. (Cf. avec ce que George Sand dit à Poncy dans sa lettre du 14 décembre 1847, que nous avons citée dans le chapitre vi et avec une lettre inédite à son fils du 10 avril que nous citons plus loin.)
  3. Le sort de ses « deux filles », Solange et Augustine Brault, ne pouvait plus inquiéter Mme Sand en 1850, l’une étant mariée depuis 1847, et l’autre depuis 1848. Il est évident que ce fut écrit avant, en 1847.
  4. Nous montrerons dans l’un des chapitres suivants comment les épreuves de 1847 provoquèrent chez Mme Sand ce « besoin moral » de récapituler