Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/252

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Mais, répétons-le, la plupart des âmes simples acceptaient son secours en la bénissant, et son nom était prononcé au milieu d’eux avec une tendresse toute filiale. Et comme cela arrive bien souvent, plusieurs devinrent chers à George Sand parce qu’elle avait mi à endurer, à cause d’eux, tant de craintes, tant d’émotions, tant de soucis, et fait pour les sauver tant de démarches. Elle devint pour la plupart non plus seulement le célèbre auteur admiré, mais la très bonne, l’infiniment intime, la sœur, la parente adorée. Et peut-être que rien ne lia tant Mme Sand à ses amis berrichons, proches et lointains, et à tout un groupe de jeunes républicains ainsi qu’à leurs familles que sa façon d’être en ces tristes journées et plus tard encore. C’est ainsi par exemple que, lors des poursuites et des arrestations après l’attentat Orsini, elle intercéda pour Lumet, pour Périgois et pour Patureau-Francœur, dont l’un dut passer de longues années d’exil en Belgique, en Suisse et en Italie[1], et l’autre, déjà sauvé une fois, fut de nouveau arrêté, « martyrisé dans un cachot, puis envoyé comme un ballot dans le plus rigoureux exil, à Guelma[2]… Il resta en Afrique jusqu’à sa mort[3].

George Sand n’eut plus d’entrevue avec Napoléon III après 1852, et elle ne lui écrivit plus. Mais nous avons déjà dit ailleurs[4] qu’elle adressa à l’impératrice Eugénie (par l’inter-

  1. Nous avons pu lire toutes les lettres écrites en exil par M. Périgois à Mme Sand, ainsi que de nouveaux amas de correspondances à son propos et à propos de Patureau entre Mme Sand et MM. Pietri, Delangle et autres.
  2. Correspondance, t. IV, lettre à M. Frédéric Villot du 4 septembre 1858. Voir aussi les Nouvelles lettres d’un voyageur, les Amis disparus : Patureau-Francœur.
  3. En 1852 Patureau-Francœur avait dû être arrêté en même temps que Lumet et les autres ; mais il parvint à rester caché jusqu’à ce que George Sand eût réussi à le faire graciée. Après la mort de Patureau, qui passa ses dernières années à Constantine, Mme Sand raconta dans la touchante nécrologie que nous venons de citer, comment il se cachait pendant vingt jours dans une grange, ne sortant que la nuit, protégé par la pitié généreuse et le respect des berrichons et surtout des paysannes berrichonnes. Parmi ses lettres à Mme Sand nous en avons trouvé une écrite de cette grange, et dans cette lettre un mot charmant de précision : Patureau dit entendre tout le temps le gazouillis des hirondelles juste au-dessus de sa tête, mais ne pas les voir, car il n’osait point, ne fût-ce une seconde, sortie sa tête de dessous le toit qui le protégeait.
  4. Dans le chapitre sur George Sand et les poètes prolétaires dans notre vol. III.