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parente de Mme Duvernet, fort jolie personne. Toutefois, au dire de Mme Sand, cette jeune personne

réussit dans la partie naïve et enfant de son rôle, elle a été très insuffisante et très froide dans les endroits dramatiques. Mais on ne pouvait exiger davantage sur nos planches et Maurice a eu dans le rôle d’amoureux les mêmes qualités et les mêmes défauts, Manceau a eu en vieillard un grand succès. Lambert et Villevieille[1] ont bien joué aussi. En somme notre représentation a été très gentille et m’a bien donné l’idée de ma pièce, ce qui était pour moi la chose importante. Nous tâcherons d’en avoir une autre (une autre pièce) pour ton séjour ici. Solange est ici depuis une quinzaine avec sa petite qui est ravissante. On est très gai et tout va bien. Elle passera encore un mois avec nous…

Dans une lettre inédite de Mme Sand à Pauline Viardot, datée du 16 octobre de cette même année 1851, nous trouvons aussi les lignes suivantes, très intéressantes et qui nous peignent la manie théâtrale régnant alors à Nohant, aussi bien que le rôle du théâtre de Nohant dans la genèse des pièces de George Sand, destinées aux scènes parisiennes.


Nohant, 16 octobre 1851.

…Nous menons une vie de cabotins. Nohant n’est plus Nohant, c’est un théâtre ; mes enfants ne sont plus des enfants, ce sont des artistes dramatiques ; mon encrier n’est plus une fontaine de romans, c’est une citerne de pièces de théâtre. Je ne suis plus Mad. Sand, je suis un premier rôle marqué. Tout cela se passe bien gaiement, comme vous pouvez croire ; nous avons tout l’amusement et rien des déboires de l’art. Le théâtre est grand comme un mouchoir de poche, le public se compose de cinquante personnes ni plus ni moins, tous amis intimes, domestiques ou paysans du voisinage. La troupe se compose de Maurice et moi, de Manceau et Lambert, de Duvernet et sa femme, d’un bon enfant fort laid que vous ne connaissez pas et du menuisier de la maison, qui est le machiniste, le souffleur et l’utilité. La jeune première est Augustine au temps des vacances, et une autre que vous ne connaissez pas, dans d’autres moments. Nous faisons même venir de jeunes garçons, élèves du Conservatoire, quand nous avons besoin d’un amoureux, car ici, personne n’aime cet emploi-là. Enfin j’ai fait trois pièces

  1. Léon Villevieille, peintre, ami de Maurice et de Lambert. On lui donnait à Nohant le sobriquet de Paloignon.