Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/294

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qui est certain c’est que le Mariage de Victorine resta au répertoire du Théâtre-Français, excitant non seulement l’enthousiasme du gros public, mais l’approbation exaltée de connaisseurs aussi fins que Flaubert. Lorsqu’on 1876, peu avant la mort de l’auteur, on reprit le Mariage de Victorine à la Comédie-Française, Flaubert, cet ami nouveau, mais peut-être le plus chéri de George Sand pour la sincérité de l’amitié respectueuse et tendre qui l’attachait à elle, lui écrivit qu’il ne comprenait pas comment elle avait pu faire sa charmante comédie d’après la pièce « assommante, oui, assommante de Sedaine ». George Sand fut horripilée et se récria contre un jugement aussi irrévérencieux sur son « bien-aimé papa Sedaine », en défendant la simplicité, la candeur, la délicatesse de ses personnages si touchants ; elle ne pouvait pas même prétendre, disait-elle, y atteindre. Flaubert ne se le tint pas pour dit, et dans une seconde lettre redit encore une fois que lui et Mme Viardot s’étonnaient comment George Sand « avait pu faire ceci de cela » ; tout en rendant justice à la délicatesse de sentiments et à la noblesse des principes des personnages de Sedaine, il n’assurait pas moins que la pièce de Sedaine était « insupportablement fade, fade comme du laitage » ; qu’il ne suffisait pas qu’une œuvre fût remplie de bons sentiments pour rester éternelle ; il fallait qu’elle fût bien écrite, que son style tût immortel ; c’est pour cela que le Mariage de Victorine était adorable et le Philosophe vieillot et assommant. On est excessivement étonné de lire un jugement aussi enthousiaste sur le Mariage de Victorine, écrit par l’auteur de Madame Bovary. C’est évidemment la partialité amicale de Flaubert (qui nommait Mme Sand avec un tendre respect « sa chère Maître » ) qui le lui dicta[1].

  1. Cette seconde lettre de Flaubert, datée du 10 mars, est arbitrairement fondue, dans le volume de la Correspondance de George Sand et de Flaubert publiée en 1904, en une seule avec la précédente, datée du 8 mars, comme si c’en était la seconde moitié, tandis qu’il est de toute évidence qu’elle répond à la réponse de George Sand du 9 mars : « Tu méprises Sedaine, gros profane ! voilà où la doctrine de la forme te crève les yeux. » C’est ainsi que Mme Sand commence sa lettre et elle la termine par les mots (qui sont une réponse aux derniers mots de la lettre de Flaubert du 8 mars : « Lisez donc le nouveau roman de Zola Son Excellence Eugène Rougon, je suis curieux