Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de désœuvrement. Dans la pièce c’est le petit « démon » lui-même la Flora, qui est certes silhouettée d’après Solange. Cette beauté glaciale, égoïste jusqu’au bout des ongles, voit et cherche un adorateur dans chaque homme qui l’approche. Elle ne comprend pas qu’on puisse ne pas l’admirer, elle se morfond et se désole de mener une modeste et tranquille existence dans la maison de sa sœm* aînée, Nina ; elle jalouse cruellement sa sœur cadette, Camille, brillante cantatrice, elle se décide d’abord à fuir de la maison en compagnie d’un vieux dandy-mécène qu’elle n’aime point, dans le seul but de s’amuser, de pouvoir briller, de se libérer de la tutelle des cœurs aimants ; plus tard, pour le seul plaisir de sa vanité et de son amour-propre sans frein, elle est prête à briser froidement la vie de sa sœur, en exigeant que celle-ci lui sacrifie son amour. Quant au grand seigneur « ami des artistes », c’est le personnage le plus réussi de la pièce, un type soutenu dans les moindres détails. On se demande ce qui se cache derrière l’élégance de ses manières, sa parfaite tenue, son aimable moquerie et son froid scepticisme, si c’est un noble cœur qui veut sauver l’écervelée Flora des suites néfastes de son escapade et si à cette fin il devient son protecteur, ou bien si c’est un vieux roué blasé qui veut abuser de l’innocence de cette coquette jeune fille, moins pervertie qu’elle ne le paraît. Nous venons de dire qu’en ce même été 1852 mourut l’ami de l’auteur, le paternel protecteur de Solange, le comte d’Orsay, auquel le roman dont fut tirée cette pièce devait être dédié. L’auteur biffa la dédicace, mais le portrait du vieux beau, « ami des artistes » protecteur de la froide fille sans cœur, resta, et c’est, répétons-le, le personnage le plus intéressant de la pièce. Toutefois, deux de ses tirades dédaigneuses, très caractéristiques et parfaitement d’accord avec le type de grand seigneur ami des arts, tant soit peu hautain, que l’auteur voulait peindre, furent très mal accueillies par la critique, et comme en ce moment-là, profitant des tendances réactionnaires du moment, la critique en général ne manquait aucune occasion d’attaquer George Sand, Jules Lecomte, entre autres, pubUa à l’occasion du Démon du foyer, un article indigné contre Mme Sand. Il